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louis xiv et son siècle

d’un monarque absolu avait encore le défaut d’une certaine fierté et indépendance de langage. Louis XIV pensa donner à ces « gens de peu » une efficace leçon. Eux rompant les digues, mirent leur pays sous l’eau. Les Français durent se replier. Lorsqu’après six ans d’une lutte qui s’était rapidement généralisée, fut conclue la paix de Nimègue (1678) la Franche-comté se trouvait enfin réunie à la France mais celle-ci avait perdu les sympathies précieuses dont si longtemps elle avait joui en plusieurs pays d’Europe. De nouvelles coalitions étaient prêtes à se nouer contre elle et ce ne seraient pas, assurément, la saisie du Luxembourg, le bombardement de Gênes ou l’abominable dévastation du Palatinat qui lui ramèneraient la confiance des nations. À Ryswick en 1697, Louis XIV traita en demi-vaincu ; il dut évacuer la Lorraine et reconnaître la royauté anglaise de ce Guillaume d’Orange dont il avait su se faire un ennemi personnel et acharné.

Mais déjà un nouvel orage menaçait. Charles II d’Espagne approchait du terme de sa misérable existence et le péril qui avait dominé tout le règne de Louis XIV n’était point écarté ; il s’affirmait plus redoutable que jamais. Le roi commença par manœuvrer au mieux d’une situation fort difficile. À Madrid les intrigues allemandes trop accentuées lui facilitèrent la voie. Le roi d’Espagne avant de mourir se décida à reconnaître pour son héritier le jeune duc d’Anjou, second fils du dauphin de France. Louis XIV accepta le testament et le nouveau monarque qui allait être Philippe V d’Espagne partit pour Madrid. La coalition anti-française pourtant ne se reforma pas tout de suite mais Louis XIV par une offense maladroite à l’Angleterre précipita les choses. Dix ans de guerre allaient suivre (1703-1713) durant lesquels le roi pourrait méditer à loisir sur l’isolement auquel il s’était lui-même condamné par tant d’amour-propres inutilement froissés, d’intérêts lésés, de consciences opprimées… Après des revers indéfinis, la victoire inespérée de Denain (1712) permit d’ouvrir dans des conditions plus favorables des négociations dont l’Europe entière éprouvait le besoin. Tout un ensemble de traités furent signés à Utrecht (1713) et à Rastadt (1714). Philippe V et sa dynastie étaient reconnus. En échange l’Espagne abandonnait à l’empereur le royaume de Naples, le Milanais, la Sardaigne et la Belgique. Le duc de Savoie recevait la Sicile[1] et le titre de roi. L’électeur de Brandebourg devenait

  1. Peu après il l’échangea contre la Sardaigne.