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à préparer et à conclure les conflits, être en outre appuyé par quelque enthousiasme populaire, poursuivre enfin une politique précise avec des buts déterminés et tangibles.

L’armée française avait commencé d’être réorganisée sous Richelieu mais c’est à Le Tellier, à Louvois, à Vauban que furent dues les réformes importantes. Jusqu’alors l’officier achetait son grade puis mettait en mouvement des sergents recruteurs auxquels il payait une prime par homme enrôlé, l’enrôlement s’opérant d’ailleurs par n’importe quel procédé, licite ou non. Il arrivait fréquemment que l’homme signât son engagement ayant été mis en état d’ivresse et sans savoir ce qu’il faisait. Les compagnies et les régiments ainsi formés n’étaient jamais au complet. On les complétait fictivement pour les revues. Les états de service indiquaient de faux effectifs. Les officiers empochaient la solde de soldats inexistants qu’ils portaient ensuite comme tués au feu afin de se faire un titre de la bravoure de leurs troupes. Quant à l’artillerie, elle revêtait l’aspect d’une sorte d’entreprise à forfait : on traitait pour un certain nombre de batteries qui, une fois montées, devaient être servies par des fantassins. Louvois mit fin aux abus. Un « ordre de tableau » fut institué, tenant compte de l’ancienneté et du mérite. On créa des « compagnies de cadets » vraies pépinières d’officiers de métier. Le contrôle, les approvisionnements furent organisés de façon régulière, les dépôts et les arsenaux bien entretenus et fournis. Le mousquet et la pique, armes de l’infanterie furent remplacés par le fusil — et l’épée par le sabre de cavalerie. Plus tard Vauban inventa la baïonnette. Ce fut lui aussi qui créa le corps du génie et rénova l’art des fortifications. Les effectifs furent de cent mille hommes de troupes de garnison et cent vingt-deux mille de troupes de marche parmi lesquels trente mille étrangers à la solde de la France.

Tandis que ces grands initiateurs intronisés par Mazarin se vouaient à la réforme militaire, Colbert également désigné par lui entreprenait la restauration des finances et de la prospérité publique. En 1642 les dépenses annuelles de l’État s’étaient montées à environ cinq cent cinquante millions de notre monnaie. Deux ans plus tard, elles atteignaient huit cents millions. Pour faire face au déficit croissant, le gouvernement pratiquait le système des « anticipations » et se faisait faire, au taux de quinze pour cent, des avances par des financiers qui édifiaient ainsi de colossales fortunes au milieu de la misère générale. D’autre part bien des dépenses étaient couvertes par les « ordon-