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louis xiv et son siècle

en 1652 Louis XIV avait solennellement confirmé leurs privilèges. Mais bientôt le roi commença d’être harcelé par les supplications du clergé. Les évêques dont beaucoup pourtant n’étaient rien moins que dévots et plusieurs à peine croyants le prirent par son côté faible : unifier. Point de vraie grandeur, point de majesté complète sans l’unité. Une persécution d’abord procédurière, bientôt violente commença qui devait s’accentuer jusqu’aux ignobles dragonnades. Un moment la discussion publique s’intronisa ; le roi la favorisait. Allait-on donc constituer une Église gallicane unique, pendant de l’anglicane ?… il est presque certain que Louis XIV y songea et le désira. Pour beaucoup de raisons c’était une utopie.

Dès lors, la violence l’emporta. L’approche de la révocation avait déjà provoqué l’exode d’environ dix mille familles. L’année 1685 vit s’expatrier cent mille français et les années suivantes au total trois cent mille autres. L’illustre Vauban, appréciant les choses du point de vue des forces nationales, y vit « la sortie de soixante millions, la ruine du commerce, les flottes ennemies grossies de neuf mille matelots, les meilleurs du royaume, leurs armées de six cents officiers et de douze mille soldats plus aguerris que les leurs. »

Ainsi l’idole unitaire avait reçu son tribut. Au pied de sa sottise dorée, on devait encore apporter des victimes, les pauvres jansénistes[1] si peu inquiétants pour la paix publique. On s’acheminait ainsi vers cet idéal qu’il n’y eut point dans l’État « d’autorité qui ne se fasse honneur de tenir du roi son origine et son caractère ». Ces mots Louis XIV les écrivit dans ses Mémoires à l’usage de son fils. Par quelle aberration en arrivait-il à concevoir qu’un mécanisme basé sur un tel principe pût jamais jouer entre les mains d’un être sur l’incurable incapacité de qui il ne se faisait d’ailleurs aucune illusion ?

iii

Pour faire utilement des guerres de conquêtes, il faut posséder une armée solide, de bonnes finances, une diplomatie apte

  1. Les controverses sur la grâce et le libre arbitre avaient repris au xvie siècle à Louvain, à Salamanque, à Paris. L’évêque d’Ypres, Jansénius dont les idées à cet égard se rapprochaient de celles de Calvin aviva la dispute. Ses disciples français parmi lesquels les Arnaud et le célèbre Pascal se formèrent en colonie de « solitaires » dans le monastère abandonné de Port royal des Champs près Paris. Vers 1650 ils entrèrent en conflit avec les jésuites. Apaisée vers 1668, la querelle reprit beaucoup plus violente en 1702.