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desquels il devait trahir la France ? Le reproche fait à Louis XIV de n’avoir pas choisi ses collaborateurs parmi une telle aristocratie n’est donc pas recevable. Il appela les meilleurs au service militaire et domestiqua le reste. Leur platitude à remplir les charges de cour allait prouver qu’ils n’étaient pas dignes d’autre chose.

La bourgeoisie riche et cultivée qui s’était affermie sous les règnes précédents avait pour institution représentative de son esprit et de ses aspirations les Parlements. En 1643 il y en avait dix : Paris, Toulouse, Grenoble, Aix, Bordeaux, Dijon, Rouen, Rennes, Pau et Metz auxquels s’ajouteraient par la suite Tournai et Besançon. Le Parlement de Paris était tout un monde : conseillers, avocats, notaires, procureurs… cela ne représentait pas moins de quarante mille personnes relevant à titres divers d’une assemblée mêlée par ailleurs à une foule d’intérêts et étendant sa juridiction sur un vaste territoire. En rendant les charges vénales, François Ier avait introduit au sein des parlements un principe de corruption et d’amoindrissement mais la faculté laissée ensuite aux titulaires d’assurer l’hérédité de leurs charges en acquittant le fameux impôt dit de la paulette avait permis la constitution d’une magistrature un peu fermée, étroite et orgueilleuse mais affinée et attachée à ses fonctions. Seulement les dites fonctions semblaient mal définies. Le Parlement n’était-il qu’une Cour de justice ? « Le devoir d’enregistrer les ordonnances royales paraissait lui donner le droit de les discuter ». Il avait obtenu d’ailleurs celui d’adresser au souverain des « remontrances » et pouvait aller jusqu’au refus d’enregistrement, obligeant le roi à l’y contraindre par la tenue d’un « lit de justice », procédé irritant et solennel dont la royauté n’aurait pu abuser sans inconvénients. La carence des États-généraux devait du reste inciter les Parlements à substituer leur contrôle à celui de cette assemblée. Il avait été « dans l’esprit du moyen-âge de confondre le pouvoir judiciaire avec le pouvoir législatif ». Les Parlements en 1643 étaient enclins à cette confusion. Toutes ces causes réunies les portèrent à intervenir dans les troubles de la Fronde et, au début, à s’allier aux ducs et aux princes qui dirigeaient le mouvement. Il s’agissait premièrement d’obtenir d’Anne d’Autriche le renvoi du cardinal Mazarin. On mit en avant la défense des droits du peuple. Mais le peuple s’aperçut bientôt que les riches bourgeois parlementaires n’entendaient pas se sacrifier pour lui. Lorsqu’il fut question d’établir la « taxe des aisés » sorte d’impôt sur les revenus des possédants,