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Louis XIV n’entra point de plein pied dans son rôle car, doué d’un tempérament vigoureux mais dépourvu de personnalité, il dut se forger à lui-même une mentalité et une discipline. Il le fit de la manière qui se pouvait c’est-à-dire en conformité avec les circonstances et avec les aspirations de la nation ; mais bientôt le sentiment exacerbé de l’importance de sa fonction et du caractère de son pouvoir le conduisit à franchir les mesures qu’il s’était imposées et, des événements malheureux aidant, ce pilote remarquable devint l’organisateur d’un naufrage.

Son enfance s’était écoulée entre sa mère, la reine régente Anne d’Autriche veuve de Louis XIII et le premier ministre, le cardinal Mazarin lié à la reine par un fidèle attachement et sans doute par un mariage clandestin. Autour de ce trio, tout de suite, l’émeute avait éclaté longuement entretenue par la trahison. À peine s’apaisait-elle que la révolution abattait la monarchie voisine et faisait périr sur l’échafaud le roi Charles Ier d’Angleterre. Ce furent là pour le jeune Louis XIV de fortes « leçons de choses ». Il n’y avait en lui à cette époque rien d’altier ni de brillant mais quelque chose de positif et de conscient. En face de grands devoirs à remplir, il éprouvait la crainte de n’être pas à la hauteur de ses responsabilités. De là une attitude réservée, timide et pourtant volontaire, l’habitude d’écouter, d’observer, d’enregistrer, de réfléchir. Proclamé majeur dès 1651 selon la coutume monarchique, il se garda bien d’user trop vite de son autorité et de se priver de la précieuse guidance de Mazarin. Le cardinal conserva ses fonctions jusqu’à sa mort (1661)[1]. Alors seulement Louis XIV fit connaître son intention de ne point remplacer le défunt et de concentrer en ses propres mains la direction des affaires publiques. À la cour une telle résolution provoqua des sourires. Le roi avait vingt-

  1. Il laissa une fortune énorme dont on peut dire d’une façon générale qu’elle avait été fort mal acquise. Ses nièces qu’il avait fait entrer par mariage dans la plus haute aristocratie, héritèrent de lui sans que Louis XIV intervint. Le roi témoigna ainsi de sa gratitude pour les immenses services rendus à l’État par le cardinal et pour ce que lui-même en avait reçu d’avis et de directions profitables. Il agit tout autrement avec le surintendant des finances Fouquet dont les prévarications furent punies avec une rigueur extrême. Prisonnier perpétuel, Fouquet fut parfois considéré comme le fameux « masque de fer ». La légende du masque de fer semble éclaircie ; le détenu qui y donna naissance aurait été un ministre du duc de Mantoue qui avait trahi la France et dont on s’empara par guet-apens.