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le nouveau monde

intermittente, évoque d’étranges sociétés totalement isolées du reste de l’univers, isolées même les unes des autres et ne se développant point selon les lois qui régirent les groupements asiatiques ou européens. Elles établirent des chronologies remarquables, possédèrent des connaissances astronomiques surprenantes, se montrèrent capables d’art, de poésie et d’une industrie raffinée. Mais il semble qu’en toutes choses, dans l’architecture des monuments, dans les complications de la vie civile, dans les singularités cruelles des rites religieux, on sente la pesanteur de traditions lointaines dont ces hommes auraient été les gardiens solitaires et inconscients, courbés par elles sous le joug d’une tyrannie millénaire Alors, du fond des mers et des âges surgit le fantôme de l’Atlantide.

Niée avec une passion dont on s’explique mal la violence, l’existence géographique de l’Atlantide est aujourd’hui bien près d’être établie. Depuis qu’ont été repérées les particularités du paysage sous-marin de cette partie de l’océan, depuis que, ramené à la surface des profondeurs de l’abîme, un fragment de lave a été reconnu comme étant de la lave condensée à l’air libre, il semble acquis que les Bermudes, les Açores, les Canaries, les îles du Cap Vert constituent les vestiges d’un continent englouti qui, aux temps anciens, s’étendit du Maroc et du Portugal à la mer des Antilles et disparut probablement par effondrements successifs. Il est à remarquer que les traditions catastrophiques dont l’écho attardé survit parmi les peuples riverains de l’océan s’accordent à évoquer, sur les côtes américaines, la destruction par le feu et sur les côtes opposées la destruction par l’eau ; éruptions volcaniques d’un côté, raz de marée de l’autre. Dans les deux cas d’ailleurs, l’évocation est terrifiante. Il s’agit d’un cataclysme tel que l’humanité n’en revit jamais de pareil. Rappelons nous maintenant la légende des Atlantes recueillie et transmise par Platon. Nous ne possédons jusqu’à présent aucun moyen d’en contrôler les fondements. Mais il suffit d’un regard sur la carte pour apercevoir dans quelles directions les habitants de la terre décrite par le philosophe grec auraient pu essaimer en cas de disette ou d’excédent de population — et fuir devant la menace d’un bouleversement cosmique (car un tel événement ne se produit pas à l’improviste sans avertissements préalables). L’exode n’a pu s’accomplir que vers les terres mexicaines et les Andes d’une part et, de l’autre, vers les rivages africains.

Le problème prendrait une acuité passionnante du jour où les premières similitudes révélées par les recherches archéologi-