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dut à son tour entrer dans la mêlée. Elle le fit (1635) après une habile campagne de préparation diplomatique menée par Richelieu et son fameux aide de camp, le père Joseph[1]. Ce qui manquait c’était une armée adéquate. Depuis Henri II, les Français ne s’étaient guère battus qu’entr’eux : mauvaise école. Les troupes manquaient de cohésion et leur armement était désuet et insuffisant. Heureusement Gustave-Adolphe avait été observé et compris. Il laissait des élèves qui seraient Condé et Turenne. On a dit qu’il en devait avoir un plus grand encore, Napoléon. Il y a dans ce propos beaucoup d’exagération, mais il est exact que par sa façon de concevoir et de réaliser la flexibilité des rouages militaires, le roi de Suède créa un instrument léger à la manœuvre et d’une grande rapidité d’évolution ; il fut par cette innovation le précurseur de toute la stratégie moderne.

Un péril passager pesa sur la France lorsque les Espagnols des Pays-bas alliés aux impériaux envahirent la Picardie et tentèrent de marcher sur Paris. Ce péril détermina un grand élan patriotique : soixante mille volontaires se présentèrent et d’autres suivirent. On vit alors que le peuple français était derrière Richelieu en lequel son instinct lui découvrait l’homme du salut public et qu’il ne se laissait pas ébranler par les incessantes cabales de l’aristocratie et de la cour. Quand le cardinal mourut (1642) bientôt suivi par Louis XIII, la situation était assez redressée pour que l’on put entrevoir la possibilité prochaine d’une paix définitive. À vrai dire des pourparlers étaient déjà engagés çà et là mais ils traînaient par le mauvais vouloir de plusieurs belligérants. En Espagne la guerre profitait à des individus haut placés ; dans l’état de dégénérescence où apparaissait la chose publique, le gouvernement redoutait, la paix rétablie, d’avoir à rendre des comptes. En Suède une vague d’impérialisme passait. La guerre était devenue une institution en même temps qu’une industrie lucrative. Les troupes suédoises en Allemagne se livraient volontiers au pillage ; en Gustave-Adolphe elles avaient perdu la conscience supérieure qui servait de frein aux passions brutales. Beaucoup de Tchèques se battaient d’ailleurs dans leurs rangs et ceux-là aspiraient à une

  1. Joseph Leclerc du Tremblay plus connu sous le nom de père Joseph, entré en 1599 dans l’ordre des Franciscains alors que de belles carrières militaires ou civiles semblaient s’ouvrir devant lui fut pour Richelieu un admirable collaborateur. Parfaitement équilibré, enthousiaste, ardent patriote, diplomate habile et connaissant fort bien les rouages européens, la plupart des historiens ne lui ont pas rendu la justice qui lui était due.