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continent catholiques et protestants luttaient avec acharnement. Élisabeth soutint les seconds tout en ménageant les premiers. Longtemps son beau-frère Philippe et le pape lui-même se flattèrent de la ramener à eux tandis que, par ses subsides, elle aidait les huguenots de France et les révoltés des Pays-bas sans toutefois souhaiter la victoire complète des uns ou des autres. Le voisinage d’une France trop unie et trop forte l’eût incommodée. Quant aux Flamands et aux Hollandais, l’Angleterre ne pouvait les laisser périr si près d’elle, mais elle bénéficia de leur infortune de deux façons : d’abord par l’exode d’industries qui se produisit notamment au moment de la ruine d’Anvers (1570) ; l’on vit alors dans les comtés anglais de l’est se multiplier fabriques et comptoirs ; ensuite par la formation dans le Pas de Calais d’une véritable école de corsaires anglais se recrutant parmi les gentlemen désœuvrés et les pêcheurs sans emploi : piraterie fructueuse où s’entraînèrent pour de plus lointaines aventures les énergies maritimes de la nation.

Il est à remarquer que jusqu’alors les Anglais s’étaient révélés peu entreprenants et point du tout marins. Cette dernière anomalie explique qu’ils fussent longtemps demeurés dans une véritable dépendance continentale. Apprenant à se passer de l’Europe, ils se détachèrent progressivement de sa mentalité. Le parlement reprit de l’audace et de la vigueur. Henri VIII l’avait fortement domestiqué mais en lui faisant endosser ses décisions fut-ce en matière religieuse, il lui avait selon une juste observation « donné le goût de se mêler de tout ». Un temps il avait fallu frapper d’une amende les députés absents pour les forcer d’assister aux séances. Maintenant l’attrait d’une indemnité parlementaire n’était même plus nécessaire à exciter leur zèle. Élisabeth se garda d’entrer en lutte avec les représentants de la nation. Comme elle se laissait aller à constituer de nouveaux monopoles (procédé dont Henri VII et Henri VIII avaient usé largement), le parlement intervint. À quand le monopole du pain, demanda-t-il ironiquement. La reine, aussitôt « remercia ses fidèles Communes de l’avoir éclairée sur un abus ignoré d’elle ». D’où attendrissements réciproques et échange de paroles amènes. Ces manigances étaient tout à fait dans la manière d’Élisabeth mais elle ne s’y livrerait pas toujours de façon aussi innocente. Pour perdre Marie Stuart elle y eut recours tragiquement.

Proche parente d’Élisabeth puisqu’elle était petite-fille d’Henri VII, l’héritière des souverains écossais avait été élevée en France étant fiancée au dauphin qui devait devenir François II.