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histoire universelle

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Le seul fils d’Henri VIII d’Angleterre, Édouard VI n’avait régné que six ans (1547-1553) : enfant malingre et pâle mais non sans volonté et qui, ne se plaisant qu’à lire l’Écriture sainte, entendait modeler son royaume sur l’idéal qu’il avait dans l’esprit : un royaume sévère et pieux dont les habitants chanteraient des psaumes et marcheraient compassés dans les voies du salut. Par malheur une poignée de protestants exaltés s’étant trouvés prêts à réaliser les vues du petit roi, l’Angleterre du xvime siècle avait un moment fourni une vue anticipée de ce que serait au siècle suivant le gouvernement des puritains émigrés en Amérique. Édouard disparu, le trône était revenu à sa sœur aînée, Marie, née du premier mariage de leur père avec Catherine d’Aragon. Catholique irréductible et plus espagnole que britannique, Marie épousa aussitôt son cousin Philippe d’Espagne (1554). Comme il se préparait à abandonner le pouvoir suprême, Charles-Quint avec une extraordinaire puissance de vision avait négocié ce mariage, ouvrant ainsi à son héritier les plus vastes perspectives. Il suffirait en effet au monarque qui allait unir de la sorte les couronnes d’Angleterre et d’Espagne de mettre la main sur le Portugal pour que, détenant d’autre part les Pays-bas et bénéficiant des territoires sud-américains récemment annexés[1], il se trouvât au faite d’une fortune inouïe et maître du commerce universel. Afin que le futur Philippe II fut mieux à même de s’inspirer de tels desseins, Charles-Quint l’avait débarrassé du fardeau des affaires allemandes qui lui avaient à lui-même donné tant de soucis. Ce ne fut pas le temps qui manqua à Philippe II puisqu’il régna quarante-deux ans (1556-1598). Ce ne fut pas non plus le caractère car ce prince de réputation sinistre était réfléchi, travailleur et persévérant. Mais la violence de son fanatisme paralysa ses moyens et neutralisa les circonstances favorables de son destin. La France, en proie pendant presque tout son règne, aux affreux désordres de la guerre religieuse lui faisait la partie belle. Le Portugal affaibli tomba bien en ses mains (1580) mais ne recherchant de tous côtés que l’occasion de contenter sa passion sectaire, il perdit les atouts assemblés dans son jeu. Les Pays-bas se révoltèrent, les possessions d’Amérique mal administrées ne produisirent point ce qu’on eut pu attendre ; l’Espagne

  1. Dès 1550 s’était installé à Lima, fondée depuis quinze ans seulement, le premier vice-roi espagnol.