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mère la reine Jeanne de Navarre qui inclinait vers les doctrines réformées et avait fini par y adhérer complètement l’a élevé dans la foi calviniste. Y tient-il beaucoup ? Il a paru près d’y renoncer en épousant à dix-neuf ans sa cousine Marguerite, sœur de Charles IX. Mais le massacre, dit de la Saint-Barthélemy, survenu très peu de jours après ce mariage (24 août 1572) l’a rejeté dans le parti huguenot dont il est devenu le chef. Pourquoi ? Conviction ? Inclination naturelle à défendre les plus persécutés, à se porter du côté où, sans contredit (parmi les humbles en tous cas) il y a le plus de vertu et le moins de calcul ?… la mentalité du prince est sans doute fixée dès alors. Il est et restera incapable de se passionner pour les querelles théologiques, pour les détails de la pratique du culte. On le sent attaché, selon l’expression dont il s’est tant de fois servi « à la religion de ceux qui sont braves et bons ». Aussi bien est-il certain de régner ? Henri III n’est point moribond et sa succession ne va pas nécessairement s’ouvrir. Un crime en décide. Le roi est assassiné. Henri de Bourbon devient roi de France de par la loi salique. Il devra conquérir son royaume dont une bonne moitié le repousse et quand il l’aura conquis le remettre sur pied car ce royaume est passablement dévasté et à moitié ruiné.

Ce n’est pas impunément qu’on laisse ainsi se déchaîner des guerres civiles un demi-siècle durant et, sous le couvert de la foi, s’organiser des syndicats de profiteurs. Mais à cette cause de désordre et d’affaissement se superpose cette fois une crise économique et sociale qui n’en est pas la conséquence. Depuis que l’Espagne exploite à son profit les mines du Pérou dont une seule produit par an trois fois et demi plus de métal précieux que n’en produisait l’Europe entière jusqu’alors, ce métal malgré les précautions prises a franchi les Pyrénées par infiltration lente et son pouvoir d’achat ayant baissé, le coût de la vie a monté en proportion. Déjà sous Henri III, ce qui se vendait cinq sols auparavant en valait vingt. À ce régime les propriétaires fonciers se sont endettés en empruntant et les travailleurs mourant de faim se sont révoltés. Des quantités de domaines ont changé de mains. On voit beaucoup de seigneurs, dit un contemporain, « dont les ancêtres vendaient du drap dans la petite ville ». La noblesse qui n’est pas dépossédée se désintéresse de la vie provinciale. Elle veut vivre à la cour. Les grandes villes se gouvernent à leur façon ; ce sont des républiques municipales. Marseille retourne à ses traditions antiques d’indépendance. Ailleurs on réclame des « tribuns du peuple » ou la création de