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pour s’éprendre de l’Écriture sainte et la vouloir présenter au peuple. Chez lui rien des tumultueuses indignations d’un Luther ou de l’ardeur sectaire d’un Calvin. Il est leur précurseur cependant et, comme l’observe Michelet, enseigne le luthéranisme six ans avant son fondateur. Il tient le baptême et l’eucharistie pour de simples symboles, repousse les pratiques superstitieuses, le culte en latin, le célibat sacerdotal, etc… mais la netteté de ses doctrines n’enlève rien à la douceur de son caractère. Autour de lui s’assemblent de braves gens pleins de foi, des artisans, quelques étudiants uniquement incités par le désir du bien. Dans le haut clergé qui est alors le plus éclairé et le plus instruit de l’Europe, on est porté à l’indulgence sinon à la sympathie. Seule, la Sorbonne, depuis longtemps dévoyée, devenue fanatique et restée pédante, s’agite, clame, en appelle aux tribunaux. Pendant la captivité du roi et la régence de sa mère, quelques excès anonymes ont été commis : mutilations de statues, lacérations de brefs pontificaux car sous l’influence des nouvelles venues d’Allemagne, une certaine effervescence se manifeste ici et là. En 1534 on affiche en plusieurs lieux et jusque dans les appartements du roi des « placards » d’une extrême violence contre le « papisme ». Bien des bûchers ont été déjà dressés. De pauvres travailleurs, des marchands, de jeunes étudiants, quelques prêtres y ont péri. La foule qui, la première fois, avait failli se révolter et massacrer les bourreaux assiste, interdite, au spectacle. L’écho des troubles suscités par les anabaptistes allemands déroute les esprits. François Ier oscille ; s’il avait à ce moment un peu de vouloir, il pourrait tout apaiser : instant fugitif où il est en quelque sorte l’arbitre de la situation religieuse non seulement en France mais en Europe. Tout à ses plaisirs, il laisse aller les choses. Il s’abaisse jusqu’à suivre à Paris, cierge en main, une procession « expiatoire » dont les « reposoirs » sont six bûchers qui s’allument à son commandement. On a inventé des potences à chaînes de fer qui permettent de retirer à trois reprises le supplicié du feu et de l’y replonger pour prolonger sa souffrance. En même temps un décret promet aux dénonciateurs le quart des biens de l’hérétique qu’ils signalent ; un autre décret, inspiré par la Sorbonne, interdit l’imprimerie. Le roi, peu après, change son fusil d’épaule parce qu’il regarde du côté des princes protestants d’Allemagne dont l’alliance lui serait avantageuse mais dès 1538 un nouveau soubresaut le jette dans les bras du parti espagnol et c’est alors la persécution définitive et savamment organisée, l’établissement