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malade que l’usage de remèdes naturels et très simples ; du moins ces prescriptions ne barraient pas la route à la science expérimentale comme le firent à plusieurs reprises les médicaments charlatanesques mis à la mode dans la suite par le snobisme et l’excentricité. En ce domaine comme en astronomie, le génie intuitif des Hellènes s’était approché de la vérité au point d’être près de la saisir. C’est ainsi qu’Hippocrate, né au vme siècle av. J.-C. domine de beaucoup Galien qui vécut six cents ans après lui. Mais ce qui, plus que l’insuffisance des moyens d’investigation, consacra le recul et entrava tout progrès, ce fut l’opposition religieuse aux études anatomiques, la dissection d’un cadavre étant regardée comme profanatoire par le christianisme et aussi par l’islam. Pendant tout le moyen-âge les hommes s’en remettant à Dieu du soin de guérir leurs maux, vécurent ignorants de leur constitution corporelle et peu anxieux d’en connaître les secrets. L’anatomie ne fut remise en honneur que par la Renaissance. La découverte du mécanisme de la circulation du sang au début du xviime siècle ouvrit une ère nouvelle ; celle du rôle des micro-organismes au xixme siècle élargit brusquement l’horizon ; désormais l’humanité connut l’ennemi principal contre lequel elle avait à se défendre. Toutes les modalités de la science requises pour l’y aider conduisirent à des résultats inespérés. Et sans doute ici aussi, l’abus est né. On peut prétendre que la préoccupation exacerbée de sa santé affaiblit et diminue l’individu. Mais la médecine n’est-elle pas préservée contre son propre excès par l’hygiène qui a grandi parallèlement et constitue par excellence l’art de se passer d’elle ? L’une et l’autre tendent à devenir des services publics ; il est malaisé de prévoir où s’arrêtera dans cette voie le courant interventionniste. Les « eugénistes » se flattent de le pousser à l’extrême et d’en tirer les éléments d’une législation protectrice à l’aide de laquelle s’érigerait une race éminente et quasi-surhumaine. Quoiqu’il en soit, il appert que si l’individu dépense de nos jours une large part de ses réserves vitales par l’usure plus grande de l’existence moderne, il possède des moyens adéquats de neutraliser cette usure en récupérant la force perdue.

Une pareille équivalence s’établit-elle en ce qui concerne la force morale ? Ce terme couvre plusieurs domaines, notam-