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eut la chance de trouver Cecil Rhodes pour servir ses intérêts, la France se retarda grandement en ne réalisant pas en temps voulu le chemin de fer transsaharien.

L’action française datait de loin. Elle s’était dépensée depuis 1820 — mais surtout depuis 1880 — en poussière d’héroïsme. Des missions mal subventionnées, peu encouragées mais jamais en peine d’endurance avaient sillonné l’Afrique occidentale forçant peu à peu l’attention de la métropole, nouant des relations avec les roitelets indigènes, s’imposant par la bravoure et la douceur combinées. L’effort français convergeait vers le Tchad. Il y eut bientôt là une immense « sphère d’influence » selon l’expression que les chancelleries employaient et qui était encore plus élastique que le terme d’« hinterland » déjà fort imprécis. De 1885 à 1890 des conventions signées avec l’Allemagne, la Belgique, le Portugal, l’Angleterre commencèrent de délimiter le nouveau domaine de la république. Cela se faisait à l’amiable. En ce temps là, les causes de conflit se trouvaient au sud. L’Angleterre s’alarmait des menées portugaises et allemandes susceptibles de contrecarrer ses desseins grandissants. Après le voyage de l’explorateur Serpa Pinto (1877-1879), l’activité portugaise s’était réveillée de son long et imprudent sommeil. On s’était pris à Lisbonne à imaginer une jonction possible à travers le continent des colonies d’Angola et de Mozambique ; des protectorats un peu artificiels avaient été négociés. Ces ambitions transversales coupaient la verticale britannique juste au moment où celle-ci tendait à s’affirmer au détriment des Boers. Or les Allemands s’établissaient à ce moment un peu partout : à Angra-Pequena, au Togo, au Cameroun, plus tard à l’est du lac Tanganika. L’orgueil national chez eux devançait le besoin. Leurs colonies n’étaient encore que des colonies de luxe mais les prévoyants fondateurs de ces établissements apercevaient l’opportunité de venir en aide aux Boers et aux Portugais contre les Anglais ; cette opportunité ne pouvait faire de doute. Heureusement pour ces derniers l’influence anti-coloniale du prince de Bismarck avait paralysé le gouvernement impérial. Lorsque de temps à autre le chancelier croyait devoir donner quelque satisfaction aux partisans d’une politique expansionniste, il le faisait de mauvaise grâce ; le plus souvent il contrecarrait leurs actions. L’Angleterre ainsi échappa au plus grave péril qui put la menacer dans l’Afrique australe. L’occupation du Bechuanaland, un ultimatum violent présenté à Lisbonne et suivi d’une cam-