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les Portugais s’étaient établis sur les côtes d’Angola et de Mozambique — lorsque, par l’initiative imprévue du roi des Belges Léopold II, se trouva déclanchée entre les gouvernements de l’Europe la « course aux protectorats » africains. Jusque là l’effort blanc vers l’intérieur du continent s’était partagé entre des explorateurs du type de René Caillé, des savants comme Barth ou Nachtingal, des missionnaires inspirés par l’exemple de Livingstone[1]. Envoyé par son journal à la recherche de ce dernier dont le sort inquiétait ses compatriotes (1877), un reporter américain, Stanley sut retrouver l’illustre anglais ; en même temps il découvrit le bassin du Congo. Ce fut une révélation. Comme beaucoup de fleuves africains, celui-là rencontrait aux approches de l’océan des barrages naturels qu’il franchissait en cataractes rébarbatives mais, à quatre cents kilomètres du rivage, avec ses multiples affluents, il constituait à travers une immense région aplanie le plus beau réseau de voies navigables. Léopold II dont le regard aigu s’était déjà posé sur l’Afrique centrale avait entrepris dès 1876 la lutte antiesclavagiste[2]. Une association internationale ayant son centre à Bruxelles avait provoqué l’envoi de missions : il y en avait une française dirigée par Brazza, une allemande commandée par Böhm. Les Portugais s’agitaient de leur côté si bien qu’il y eût à l’embouchure du Congo convergence d’efforts sous lesquels naturellement perçaient des rivalités internationales. L’initiative belge s’y faufila. Le roi Léopold ayant constitué un « Comité d’études du Haut-Congo » envoya vers l’intérieur une expédition commerciale qui noua des relations, signa des traités, négocia des protectorats. Ainsi naquit l’État du Congo, conception ultra-moderne et si inédite que personne d’abord n’y voulut croire. Mais avec une sûreté de vues et une habileté de doigté confinant au génie, Léopold suivait sa route, encourageant la

  1. René Caillé passionné par la lecture de Robinson s’instruisit lui-même, partit pour le Sénégal, apprit l’arabe et parvint en se faisant passer pour un esclave égyptien à se joindre à une caravane. Il put ainsi en 1828 visiter Tombouctou. Barth et Nachtingal, explorateurs allemands du type scientifique, visitèrent tout le centre de l’Afrique septentrionale vers 1860 et 1880. Quand à David Livingstone (1813-1873) employé dès dix ans dans une filature de coton, il réussit à acquérir une instruction considérable et s’engagea dans les missions. Il pénétra en 1840 dans l’Afrique équatoriale et y mena de front des explorations admirables et une noble évangélisation. Il a été inhumé à Westminster par sa patrie reconnaissante.
  2. Son initiative à cet égard avait été précédée par celle du cardinal Lavigerie, archevêque de Carthage et d’Alger qui avait dès 1874 prêché la croisade antiesclavagiste et créé pour la conduire la congrégation des « Pères blancs ».