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guillaume ii et la république française

mais les présidents suivants, Émile Loubet (1899-1906) et Fallières (1906-1913) qui achevèrent paisiblement leur septennat surent, sans se départir d’une simplicité qui plaisait généralement, visiter officiellement Saint-Pétersbourg, Copenhague, Stockholm, Kristiania, Rome, Madrid, Lisbonne, Bruxelles, Berne et recevoir au nom de la France les souverains russes, espagnols, italiens, anglais, suédois, norvégiens, danois, hollandais, bulgare et serbe. Le protocole de ces entrevues jetait l’empereur d’Allemagne en un émoi croissant. Il ne manquait pas de clairvoyance d’ailleurs en devinant là une menace pour le principe monarchique dont il estimait être à la fois le plus haut représentant et le gardien commissionné par la providence. Il est certain que lorsqu’en 1903, venant, après Édouard vii, d’accueillir à Paris le roi et la reine d’Italie, le président Loubet se voyait salué dans la rade d’Alger par des escadres russe, italienne, espagnole, anglaise, l’argument si longtemps utilisé contre la république perdait toute saveur. À quoi bon le chef héréditaire si le chef élu jouit d’égales prérogatives ? Un autre argument habituel aux opposants, celui de l’instabilité ministérielle inévitable recevait des événements un démenti similaire. Depuis 1898 un même ministre, Delcassé, siégeait au quai d’Orsay. D’autres avant lui, y avaient séjourné trois et quatre ans ; cette durée maximum se trouvait maintenant dépassée ; Delcassé devenait inamovible et sa situation en Europe ne cessait de grandir. Arrivé au pouvoir au soir tragique de Fachoda, tandis que sévissait la guerre hispano-américaine et que certains malentendus détendaient légèrement l’alliance avec la Russie, « ce diable d’homme » avait conduit sa barque avec une sûreté, un calme, une présence d’esprit, une audace étonnantes. L’affaire Dreyfus, certes, l’avait gêné et aussi la guerre anglo-boer et plus encore, la rupture avec le Vatican consommée malgré lui. Mais rien ne le décourageait ; il semblait jouer avec les difficultés. De la paix, rétablie par son intermédiaire entre l’Espagne et les États-Unis, les deux parties lui conservaient une égale gratitude. Des traités de commerce ou d’arbitrage avaient été négociés en Europe, des conventions avantageuses conclues en extrême-orient. Ses interventions récentes au Maroc et à Constantinople conduites avec une énergie modérée avaient valu d’immédiates satisfactions. Même l’Italie sentait ses préventions s’atténuer. Restait l’Angleterre. À côté de rancunes récentes, il existait tant de « points de friction » entre elle et la France