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d’une grande nation prolifique enfermée dans un espace trop étroit où elle sentait l’étouffement la menacer. Une politique expansionniste s’imposait à tous égards avec les calculs, les tractations, l’activité, l’élan qu’il y faut pour réussir. Au contraire aucune politique extérieure définie ne liait la diplomatie impériale. De là dans ce domaine des fantaisies, des incohérences… surtout des entreprises auxquelles l’empereur ne laissait pas le temps d’aboutir. Le prince de Bismarck dans ses desseins n’avait pas été au delà d’une entente entre les trois empires mitoyens basée sur le solidarisme dynastique et le statu quo territorial. Mais la durée d’un pacte de ce genre devait être rendu éphémère par les conditions opposées dans lesquelles évoluaient les États européens.

En Russie la réaction triomphait. Les réformes réalisées en 1870 semblaient avoir échoué. Le « nihilisme » gagnait dans les centres intellectuels. Le mysticisme de l’absolu faisait des ravages à droite et à gauche, les uns voyant dans le tsarisme l’unique principe du bien public, les autres, l’obstacle infranchissable à tout progrès. En réponse à de multiples attentats une terreur officielle s’organisait. L’empire était divisé en six grands districts policiers dont les chefs avaient tout pouvoir pour arrêter, juger sans pourvoi, exécuter sans délai. Les attentats continuaient. Le 1er mars 1881, Alexandre II fut assassiné. On ne pouvait attendre d’Alexandre III (1881-1894) qu’il fût indulgent pour les assassins de son père. Le nouveau tsar inclina vers une politique de russification unitaire qui s’appliqua à la Pologne, à la Finlande (où l’on s’était peu à peu habitué à jouir d’une autonomie de fait) et surtout à l’Esthonie, à la Livonie, à la Courlande… où les éléments germaniques, riches et puissants, aimaient faire la loi. Cette politique tendait naturellement à s’adosser au panslavisme. Sur ce terrain elle se heurtait à l’Autriche ou, comme l’on disait désormais, à l’« Autriche-Hongrie ».

Devenue dualiste, la monarchie des Habsbourgs n’avait pas tardé à voir son équilibre intérieur à peine réalisé se rompre de nouveau et cette fois, au profit de la Hongrie dont la prédominance gouvernementale cherchait à s’affirmer. Or les Magyars pas plus que les Allemands n’étaient en mesure d’apporter une formule vraiment nationale dont la dynastie pût se faire un appui. Sur ces derniers s’étendait malgré tout l’ombre-portée de l’empire congénère auquel ils se sentaient ethniquement rattachés et les premiers devaient partager le territoire que la géo-