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histoire universelle

jouer obligatoirement malgré les hommes et les événements dans l’atmosphère stagnante et étouffée d’une usine gardée militairement au dedans et au dehors. Contre ses murailles hérissées rien n’aurait prise. L’ordre et la paix naîtraient de sa seule architecture ; sa silhouette rude signifierait sans cesse au monde que le peuple allemand avait reçu de Dieu la mission de s’imposer à l’Europe pour le bien général.

Vers 1887 l’absence de prestige commença d’agiter les Français. Ils avaient conquis à bon compte la Tunisie et le Tonkin mais leurs regards tournés vers le Rhin les empêchaient d’apprécier ces lauriers. Jules Ferry avait été un grand ministre mais ils n’aimaient pas sa figure. Thiers leur avait légué des finances restaurées et le duc Decazes, une politique extérieure heureusement définie mais ces avantages leur semblaient incolores ; le panache leur manquait. C’est pourquoi ils acclamèrent le général Boulanger qui montait un beau cheval. En même temps le président Carnot ayant remplacé à l’Élysée Jules Grévy[1] entreprit de rendre à sa haute fonction l’éclat et l’importance qu’il estimait désirables. L’exposition de 1889 lui fournit le moyen d’y réussir. Le succès en fut considérable et fit d’autant plus d’impression au dehors que cette manifestation coïncidait avec l’affermissement certain du régime républicain par la défaite du parti « boulangiste ». Or la république approchait de sa vingtième année : terme fatal qu’aucun des régimes précédents n’avait su dépasser. La stabilité gouvernementale de la France créait en Europe une situation modifiée et l’alliance de la république prenait dès lors une sérieuse valeur. Ses forces militaires et navales reconstituées, son empire colonial superbement agrandi, ses universités régionales rétablies, tant de progrès de tous ordres discrètement réalisés ; c’étaient là des garanties

  1. Le premier président de la république, Adolphe Thiers avait été à la fois chef d’État et premier ministre : situation singulière qui ne pouvait se perpétuer. Le maréchal de Mac Mahon élu en 1873 pour sept années démissionna en 1879. La droite l’avait traité comme une sorte de « régent du royaume » malgré qu’il s’efforçât de remplir loyalement des fonctions que les circonstances rendaient délicates. La présidence devint stable mais incolore avec Jules Grévy élu en 1879 et réélu en 1886. Un scandale de famille interrompit son second septennat en l’obligeant à rentrer dans la vie privée.