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l’empire britannique

seulement rétabli sa santé ; il avait réalisé une grande fortune[1]. Ayant syndicalisé les mines, le trust ainsi formé valut entre ses mains l’arme la mieux aiguisée. Il l’utilisa selon sa conception du bien public. L’opinion européenne s’est mépris sur ces deux hommes. Égarée par les mensonges ou les ignorances d’une presse dite d’« information» encore à ses débuts et inexperte[2], elle a paré l’un de vertus imaginaires et refusé de reconnaître les qualités dont témoignait l’autre. La politique s’en est mêlée. L’Allemagne ni la France n’ont su si elles voulaient intervenir ou non. Quand le conflit armé fut près d’éclater, l’Angleterre qui avait assurément usé de certains procédés blâmables fut en Europe l’objet d’insultes peu en rapport avec ses torts. Elle ne pouvait ni ne voulait reculer. Elle fit tête à l’orage avec vigueur et volonté, ne se laissant ébranler ni par les difficultés d’un vaste transport de troupes à pareille distance ni par les déceptions et les angoisses inséparables d’une guerre de trois années. Elle en fut récompensée tant par sa victoire finale que par la paix définitive qui en résulta. Les États boers disparurent sans laisser de traces et l’Union sud-africaine s’organisa avec le concours loyal des vaincus réconciliés. Cecil Rhodes put mourir ayant réalisé son rêve (1902). Il léguait à son pays d’adoption l’immense annexe qui porte son nom — la Rhodesia — au centre de laquelle, dans un site grandiose, il avait préparé sa tombe. Par ses dispositions testamentaires et les conditions d’obtention des nombreuses bourses fondées par lui, il rendait un hommage singulier aux principes d’éducation virile posés un demi-siècle plus tôt par Thomas Arnold et dont l’inconsciente diffusion de proche en proche à travers tout l’empire lui avait donné sa cohésion et sa force.

Les sentiments de la métropole à l’égard de cet empire avaient passé par trois étapes. Longtemps, avons-nous dit, on considéra les établissements coloniaux comme des enfants qu’une

  1. Sans pour cela cesser d’étudier. Dans les premières années il alla plusieurs fois de Kimberley à Oxford.
  2. Les journaux européens de l’époque précédente s’étaient proposés de commenter les faits, de les expliquer, de chercher à les rendre clairs. Peu à peu se substitua à cette conception des devoirs et du rôle de la presse une autre ambition : apporter des nouvelles, le plus possible vraies ou fausses pourvu qu’elles soient « sensationnelles » et en avance de quelques heures les unes sur les autres. En Amérique c’était un jeu, un sport… l’Europe en s’y appliquant déforma sa mentalité. La presse d’information est principalement responsable des malentendus internationaux sinon des conflits sanglants qui en résultèrent.