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l’empire britannique

À la reine Anne avaient succédé en 1714 des princes allemands pour qui la grande monarchie insulaire dont ils étaient les héritiers contestables[1] n’était bonne qu’à entretenir ou à renforcer la petite monarchie continentale à laquelle ils demeuraient attachés. Lorsque l’Électeur de Hanovre avait débarqué en Angleterre pour y prendre possession du trône, il avait amené toute sa cour germanique y compris ses deux maîtresses que le peuple, les appréciant d’après leurs silhouettes avait aussitôt baptisées « éléphant » et « mât de cocagne ». Rien ne l’avait intéressé en Angleterre sinon d’y prélever des fonds et d’y recruter des troupes que put utiliser sa politique hanovrienne. À Georges Ier (1714-1727) avait succédé Georges II (1727-1760) sous le règne duquel les mêmes errements s’étaient reproduits. Georges III (1760-1820) avait continué la funeste série : moins médiocre sans doute que ses prédécesseurs, dominé d’ailleurs par les événements extérieurs (la révolte américaine puis la révolution française) mais sectaire, mesquin, tatillon, infatué de ses droits et de sa majesté. Une triste dynastie en vérité ! Cependant beaucoup d’Anglais lui savaient gré de les avoir sauvés du « papisme » et pensaient avec Thackeray que ces mauvais Georges valaient encore mieux que le roi Stuart qui leur fut arrivé « avec le grand cordon de France et une dizaine de Jésuites derrière lui ». La France et le Saint-siège, ogre à deux têtes dont ils n’arrivaient pas à secouer la hantise même après l’impiété des révolutionnaires français et la mise en tutelle du clergé par Bonaparte. L’anglicanisme notamment s’alimentait de la haine pontificale qui lui tenait lieu de raison d’être car les disputes dogmatiques ne passionnaient plus personne et les fidèles qui suivaient le culte y pouvaient maintenant somnoler impunément.

« L’argent est ici souverainement estimé ; l’honneur et la vertu, peu » avait écrit Montesquieu revenant d’Angleterre. Après une brève éclaircie au temps de William Pitt les choses, sous ce rapport, avaient encore empiré. Le parlement de 1814 se trouvait aux mains de propriétaires-fonciers sans scrupules, n’hésitant point à affamer le peuple pour mieux vendre leur blé. Aussi la

  1. Anne avait elle-même succédé à sa sœur et à son beau-frère Guillaume d’Orange. Ne laissant pas d’héritiers directs, la question s’était posée si la couronne après elle ne reviendrait pas à l’héritier légitime, leur frère, le duc d’York, écarté comme catholique. Les Hanovre descendaient d’une fille de Jacques Ier leur ancêtre commun.