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formation et développement des démocraties modernes

création de services aériens, la télégraphie sans fil rendent le mandat de plus en plus étroit et limité. L’ambassadeur qui se trouvait jadis fréquemment appelé à prendre des décisions en se conformant de son mieux aux directives générales qui lui avaient été données est à même aujourd’hui de demander et de recevoir des instructions quotidiennes. Certains redoutent non sans raison qu’un tel régime n’en vienne à abaisser la valeur individuelle du fonctionnaire mais il est encore trop tôt pour juger de ses effets à cet égard.

Quoiqu’il en soit, il appert qu’en presque tous les domaines les progrès matériels dont la civilisation actuelle s’enorgueillit ont finalement tourné au profit de l’extension démocratique soit en concourant à l’égalisation sociale soit en facilitant le contrôle politique. Il n’est pas jusqu’à la révolution accomplie en art militaire par l’emploi des armes à feu[1] qui n’ait servi à pareille fin. En effet par une gradation lente mais ininterrompue, elle a conduit à ces multitudes enrégimentées pourvues d’un armement perfectionné et alimentées par un service militaire obligatoire pour tous.

Telles sont, brièvement rapportées, les caractéristiques de l’évolution démocratique encore inachevée dont il nous reste à noter, dans les siècles les plus proches de notre temps, les péripéties, les étapes et les reculs.

  1. Il est vraisemblable que les mélanges détonnants ont été connus de bonne heure par les Chinois et que ce sont les Arabes, qui, en occident, fabriquèrent les premiers canons, mais si médiocres et difficiles à manœuvrer qu’ils furent longtemps inefficaces. On ignorait le rapport entre la longueur et la portée de l’arme aussi bien que la résistance comparée des divers alliages. Le xve siècle ne réalisa pas grande amélioration, de sorte qu’au xvie, Montaigne pouvait encore écrire : « Les armes à feu sont de si peu d’effet, sauf l’étonnement des oreilles qu’on en quittera l’emploi » ; jugement rappelant celui de Thiers lorsque, devant la Chambre des Députés vers 1840, il affirmait que les chemins de fer ne remplaceraient jamais les diligences.