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vertu créatrice de la liberté. En dix ans la population s’accrut d’un tiers et les revenus doublèrent. Le roi Jean VI étendit même sa domination sur Montevideo dont il s’empara. Mais la révolution qui, en 1820, éclata à Lisbonne et à Oporto — contre-coup de celle d’Espagne — le rappela en Europe. Les Brésiliens ne le regrettèrent pas. Il leur laissait pour régent son fils don Pedro ; celui-ci, comprenant que la couronne du Brésil valait mieux que celle de Portugal et qu’entre les deux il faudrait choisir, prit la tête du parti de l’indépendance. L’Assemblée constituante qu’il avait convoquée le proclama empereur du Brésil le 12 octobre 1822.

Depuis 1819 Bolivar était le chef de la république de Colombie. Le Pérou en 1824 l’avait nommé dictateur et il gouvernait également les régions du Haut-Pérou érigées en république de Bolivie. Cela lui constituait un domaine immense qu’il cherchait encore à agrandir et à unifier. Dans sa pensée un régime unitaire et absolutiste était nécessaire pour préparer toutes ces régions à la pratique de la liberté politique. Au nord l’ancienne « capitainerie-générale » de Guatémala formait maintenant la « république des provinces unies de l’Amérique centrale » : c’étaient le Guatémala, Costa-Rica, le Nicaragua, le Honduras et le San-Salvador. Le long du Pacifique le Chili s’organisait. Sur la côte de l’Atlantique il y avait les Guyanes (dernières possessions des puissances européennes) le vaste empire brésilien, enfin la république de la Plata avec, entre eux, l’Uruguay objet de convoitises réciproques. Le Paraguay au centre, se murait dans un isolement volontaire. Au moment où éclata la lutte pour l’indépendance, la population totale n’était que de six millions à peine : douze cent mille en Colombie, autant au Pérou, neuf cent mille au Vénézuela, à peu près autant au Chili et à la Plata… sur l’ensemble, un septième d’espagnols, trois septièmes d’indigènes, trois septièmes de créoles et de races mélangées ; les créoles « vifs, turbulents, brouillons », les indigènes « mornes et apathiques ». Ni les uns ni les autres n’avaient encore appris à aimer le travail manuel. L’instruction était plus que retardée. L’esclavage, du moins pour les enfants à naître, n’existait plus guère qu’au Brésil.

Bolivar convoqua à Panama un congrès qui devait cimenter