Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
histoire universelle

où il s’était familiarisé avec la culture européenne. Mais celui-ci ayant refusé d’associer les créoles à son initiative, le mouvement n’avait pas eu de suites. Lorsque la révolution française s’affirma, les nouvelles venues de Paris semèrent l’agitation. La France était populaire. Établie à Cayenne dès 1700, ses vaisseaux avaient commencé de bonne heure à paraître dans les eaux de l’océan Pacifique ; une série de missions scientifiques l’avaient en outre mise en vedette[1]. La Déclaration des droits de l’homme fut imprimée en secret à Bogota. Ce qui, plus que la rigueur despotique des autorités, retarda la rébellion, ce furent la difficulté des communications intercoloniales et l’absence de chefs déterminés. L’Espagne jouissait d’ailleurs d’un prestige séculaire. Mais lorsque sa vieille dynastie eut été renversée au profit d’un Bonaparte, les fonctionnaires furent comme frappés de stupeur. Un ébranlement profond se produisit. Tandis que le curé Hidalgo soulevait le Mexique, des insurrections éclatèrent à La Paz et à Quito (1809). Elles furent réprimées. La junte municipale de Caracas s’étant peu après saisie du pouvoir, la révolution reprit à Quito et gagna toute la Nouvelle-Grenade. À Buenos-Ayres une assemblée de notables fut convoquée ; le Chili s’insurgea (1810). Alors se dessina la noble et vaillante — mais parfois un peu déconcertante — figure de Simon Bolivar. Né à Caracas en 1783, il avait été élevé à Madrid par les soins de son oncle le marquis de Palacios. La douleur d’un veuvage prématuré et de fructueux voyages en Europe et aux États-Unis avaient mûri rapidement l’âme du jeune gentilhomme qui semblait promis à une existence facile. On dit qu’à Rome, sur le Mont-sacré, il avait fait le serment de se vouer à l’émancipation de sa patrie. Le serment fut tenu avec une persévérance admirable car, au début, les échecs furent multiples. La désunion des créoles, l’indifférence des indigènes, la difficulté de combiner les coups entre groupements séparés par d’énormes distances, tout conspirait contre l’effort autonomiste. Lima demeurait le centre de la résistance monarchique. La restauration de Ferdinand VII sur le trône métropolitain découragea le parti de l’indépendance. Le Mexique était retombé sous le joug. Il ne resta bientôt plus de libre que la province de Buenos-Ayres ; des divisions intestines y faisaient le jeu des royalistes (1814).

Mais Bolivar demeurait ferme. Avec la tolérance anglaise, il

  1. En particulier la mission envoyée à Quito en 1736 par l’Académie des sciences de Paris pour mesurer un degré de méridien.