Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
la formation des états-unis

jalouse de son indépendance. La victoire assurée, les hommes de premier plan qui s’étaient associés pour l’obtenir avaient reporté leurs regards sur leurs États respectifs et s’étaient désintéressés du gouvernement fédéral lequel, pourtant, avait seul façade sur le monde. Maintes questions d’ordre général ne tardèrent pas à surgir dont l’étude et la solution ne pouvaient incomber qu’au pouvoir central. Celui que l’on avait établi manquait à la fois de vouloir et de moyens ; il était comme amorphe. La crise s’aggravant, l’urgence apparut d’y porter remède. Sur la proposition de la Virginie une nouvelle assemblée constituante fut convoquée. Après sept mois d’épineux débats, elle vota le 17 décembre 1787 le texte constitutionnel qui depuis lors a régi l’Union américaine. Il fallut encore un an pour que ce texte fut approuvé par les parlements de chaque État. Il ne le fut qu’à grand peine et par de faibles majorités. Au début de 1789 on put enfin procéder à l’élection présidentielle. Le vote unanime des députés se porta sur George Washington. Si profonde que soit la vénération dont aujourd’hui encore ce nom est entouré par eux, il n’est pas certain que les Américains aient suffisamment réalisé ce qu’ils doivent à celui qui orienta leur marche et fonda leur prestige. L’opinion universelle en tous cas n’a jamais pleinement saisi l’extraordinaire beauté de cette figure incarnant, à l’orée des temps nouveaux, l’équilibre parfait auquel peut aspirer et atteindre l’homme moderne par simple adaptation aux circonstances complexes qui l’entourent, d’une conscience pure et droite.

De 1789 à 1829 les États-Unis vécurent tournés vers l’Europe et suivant avec une surprise inquiète le développement de ses destins agités. Les premiers successeurs de Washington, parmi lesquels furent Jefferson, Madison et Monroe appartenaient comme lui-même à une aristocratie lettrée. Ils ne pensaient point que le nouveau monde put se passer de l’esprit et de la culture du vieux monde ni songer à s’isoler de lui. Or une série d’événements se produisaient d’où cet isolement découlerait de façon fatale. Entre 1792 et 1802 trois nouveaux États, le Kentucky, le Tennessee et l’Ohio avaient été fondés. C’étaient des États continentaux, sans accès à l’océan, découpés dans ce vaste « nord-ouest » dont les gens de l’est n’avaient parlé jus-