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suédoise ; la Pennsylvanie, asile ouvert par William Penn aux adeptes persécutés de la secte des quakers ; le Maryland fondé par lord Baltimore pour servir de refuge aux catholiques anglais ; enfin la Virginie où prospéraient les premières plantations de tabac et la Caroline dont nous avons déjà noté l’origine française. Un peu plus tard devait s’ajouter à cette liste une treizième colonie, la Géorgie où des protestants dissidents d’Allemagne chercheraient un abri contre l’intolérance européenne.

L’intolérance américaine était-elle moindre ? On s’est trop accoutumé à croire les États-Unis issus d’une aspiration libérale. En réalité les puritains de la « nouvelle Angleterre » furent des fanatiques et beaucoup d’entre eux eurent une mentalité d’inquisiteurs[1]. Ils cherchaient la rénovation morale. La passion était en eux de créer l’État chrétien modèle selon la conception étroite qu’ils avaient du christianisme. Pour y atteindre, ils étaient résolus à user de toutes les rigueurs. Mais il leur fallut en même temps s’implanter, sur ce sol inculte où les menaçaient la violence des intempéries et la cruauté des indigènes. Ils durent pour y parvenir déployer une opiniâtreté et une endurance rares. Et, comme pour les tremper encore plus rudement en vue de leurs grandioses destins, la guerre éclata derrière eux ; une guerre qui devait durer bien près de quatre-vingts ans (1690-1765) et d’où ils sortiraient formés en une nation vouée presque malgré elle à vivre libre et unifiée.

Une nuit d’hiver de l’année 1690, la petite bourgade de Shenectady située au nord d’Albany dans l’État actuel de New-York fut attaquée par des Français du Canada qu’assistait un parti de peaux-rouges. Les demeures incendiées, les habitants massacrés, l’agresseur se retira inconscient des conséquences mondiales qu’allait avoir son exploit. Au Canada cette initiative

  1. En 1657 une loi condamnait à avoir les oreilles coupées ou la langue percée d’un fer rouge tout quaker qui, expulsé du Massachusetts, y pénétrait de nouveau. En 1692 cinquante personnes y furent torturées et vingt pendues sous l’accusation de sorcellerie. L’inobservation du dimanche, là et ailleurs, était punie des peines les plus sévères. En 1741, on brûla encore un prêtre catholique à New-York.