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napoléon iii ; l’europe nouvelle

les affaires publiques ni se laisser diriger avec suite. Tantôt le pouvoir se trouvait aux mains de généraux dont quelques uns ne manquaient ni d’intelligence ni d’allant, tantôt il passait à des coteries cléricales, composées de fourbes et d’intrigants. L’incohérence et l’obscurantisme se succédaient de la sorte sans qu’un effort durable fut tenté pour rétablir la situation financière obérée, développer la production ou l’instruction. Une seule page marquante : la campagne vigoureuse menée en 1859 contre les tribus marocaines qui menaçaient sans cesse les « presides » espagnoles[1].

La révolution de 1868 débarrassa l’Espagne de ce régime. La reine Isabelle réfugiée en France dut abdiquer. De longs désordres suivirent. Un gouvernement provisoire, présidé par le maréchal Serrano, pourvut à la vacance du pouvoir. On se mit en quête d’un souverain. Isabelle avait un fils qui devait devenir Alphonse XII (1874-1885) mais pour le moment l’opinion populaire s’en prenant aux Bourbons exigeait leur déchéance collective. On se tourna du côté du Portugal dont les liens avec le Brésil étaient depuis 1822 définitivement rompus. Là aussi il y avait eu des conflits dynastiques, des guerres civiles, un cléricalisme outrancier provoquant des réactions violentes, une stagnation intellectuelle, des abus financiers. Néanmoins le dernier roi Pedro V (1853-1861) et son frère Louis Ier qui lui avait succédé eussent été des monarques acceptables. Mais le vieil antagoniste hispano-portugais survivait Alors surgit la candidature du prince Léopold de Hohenzollern, frère de celui que Napoléon III avait contribué à placer sur le trône roumain. L’opinion française prit ombrage. Le gouvernement impérial au lieu de se prononcer avec calme et netteté laissa approcher l’orage[2]. Il est probable que le comte de Bismarck qui était résolu à la guerre n’avait pas suscité cet incident avec l’intention d’y aboutir aussi vite. Mais par sessions la Prusse était prête et il savait que la France ne l’était pas. Le terrain lui parut bon. L’empire français était en complète effervescence. Napoléon III après avoir, par concessions

  1. Presides (du latin præsidium) terme employé aux Indes puis en Méditerranée pour désigner des postes fortifiés. Les presides possédés par les Espagnols au Maroc étaient Ceuta, Alhucemas, Melilla…
  2. Le prince de Hohenzollern retira sa candidature donnant ainsi à la France une satisfaction dont il eut été prudent de se contenter. Ce fut Amédée de Savoie qui fut choisi. Au bout de trois ans (1870-1873) il se démit, sentant ses efforts vains. Après quelques mois de république Alphonse XII fut restauré.