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napoléon iii ; l’europe nouvelle

convenu (1858) que la Moldavie et la Valachie auraient chacune son « hospodar » et son assemblée distincte, mais avec certaines institutions communes. Les intéressés tournèrent ingénieusement la difficulté en élisant le même prince à Bukarest et à Jassy (1859). Napoléon III qui avait déployé déjà en leur faveur une grande énergie imposa au sultan la reconnaissance de la double élection d’Alexandre Couza. Deux ans plus tard, sans en demander permission, les assemblées fusionnèrent. Constantinople dut encore y consentir. L’union était dès lors virtuellement réalisée. Mais en ces régions, l’indépendance politique ne vaut guère sans l’indépendance religieuse. Il n’y avait pas d’église roumaine. Les couvents de Roumanie nombreux et riches (environ le huitième du sol, dit-on, leur appartenait) vivaient sous l’exclusive dépendance des patriarches et des moines grecs et russes. Une sécularisation était devenue nécessaire. Couza l’opéra. La Russie cette fois protesta mais le cabinet de Paris intervint encore et l’église nationale fut reconnue. D’autres progrès s’imposaient. Couza était un homme impatient. Il osa un coup d’État à la Bonaparte et, s’étant attribué le pouvoir absolu (1864) réalisa en sept mois nombre de réformes dont la plupart étaient louables mais qui ne s’accomplirent point sans léser beaucoup d’intérêts privés et susciter contre leur auteur des inimitiés violentes. Un complot le déposséda. On le força d’abdiquer. Les Roumains se cherchèrent un prince à l’étranger. On n’en trouvait pas. Des intrigues se nouaient. Napoléon III mit en avant la candidature du prince Charles de Hohenzollern son parent en même temps que le neveu du roi de Prusse[1]. Comme en Angleterre et en Russie, on faisait grise mine au candidat, celui-ci d’accord avec ses parrains partit pour la Roumanie et se mit vivement en possession du trône. Par cette série d’événements la France s’ancra solidement au cœur de la nation roumaine. Bukarest, déjà portée à une intimité intellectuelle avec Paris, sentit se resserrer les liens qui unissaient les deux capitales.

En Serbie, Alexandre Karageorgevitch qu’une insurrection avait en 1842 porté au pouvoir s’était vite rendu impopulaire

  1. Le prince était le petit-fils d’une cousine de l’impératrice Joséphine, mariée au margrave de Bade devenu grand-duc en 1806 par la faveur de Napoléon Ier. D’autre part le fils de l’impératrice, Eugène de Beauharnais, adopté par Napoléon et fait par lui vice-roi d’Italie avait épousé une princesse de Bavière et en avait eu cinq enfants. Napoléon III se trouvait ainsi en relations de parenté avec plus d’une famille régnante. Mais sa vie de jeune homme aux allures indépendantes et ses idées avancées l’avaient isolé et fait mal voir de cette lignée aristocratique.