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tectorat du Cambodge dont le souverain de ce pays fut habilement conduit à solliciter lui-même l’établissement. Le gouvernement impérial n’y consentit point sans hésitation. Il avait peu de visées coloniales ; l’Algérie seule comptait pour lui. Par contre il ne lui déplaisait pas de faire flotter sur quelques plages lointaines le drapeau tricolore. À quoi l’on dut l’annexion des îles Marquises, de la Nouvelle-Calédonie, d’Obock et de quelques points du Dahomey cependant que se creusait le canal de Suez (1859-1869) et qu’au Sénégal le gouverneur Faidherbe (1854-1865) transformait à peu de frais en un pays d’avenir la vieille colonie fondée dès le xvime siècle et demeurée longtemps stagnante.

Plutôt que de porter les regards sur tous ces territoires, Napoléon III s’en fut chercher au Mexique une aventure extraordinaire et inattendue. Il s’agissait d’y édifier un empire catholique et latin ayant pour mission de disputer l’hégémonie du nouveau-monde à l’anglo-saxonisme auquel, en ce temps, l’Europe prêtait volontiers des arrières-pensées de domination confessionnelle. L’idée n’était point banale mais elle était erronée. Le catholicisme transatlantique ne risquait plus d’être malmené ; point n’était besoin de l’aller protéger. D’autre part, ceux qui avaient visité les États-Unis (Napoléon III était du nombre) devaient se rendre compte de l’impossibilité d’implanter en Amérique de nouvelles monarchies. L’empire brésilien ne s’y maintenait que par le respect témoigné aux mérites personnels du souverain et grâce au développement politique encore insuffisant des populations soumises à son sceptre. Sur le Mexique toutefois dont l’âme indigène demeurait hantée par l’image de la grandeur aztèque, on se flattait de pouvoir greffer le sentiment monarchique. En 1823 un aventurier, Iturbide, l’avait tenté à son profit et s’était fait proclamer empereur sous le nom d’Augustin Ier ; incident sans conséquences. Depuis, l’anarchie s’était perpétuée. Le pays ne savait point s’il voulait d’une administration centraliste ou d’une organisation fédérale à la manière des États-Unis ; et il passait de l’une à l’autre formule. Santa Anna qui, entre 1848 et 1858, avait exercé le pouvoir n’était qu’un ambitieux vulgaire. Benito Juarez le lui avait enlevé ; indigène d’humble extraction, de simple domestique devenu avocat puis député, chef de parti et enfin président de la république, Juarez gouvernait en despote, sans scrupules et sans mesure mais avec une énergie farouche. Ses tendances nettement anticléricales alarmaient l’Église. Les résidents étrangers — principalement anglais, français, espagnols — voyaient leurs intérêts gravement