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présider des assises magnanimes d’où la France sortirait grandie par son attitude généreuse et pacifique. Tels furent la guerre de Crimée (1854-1856) et le congrès de Paris.

Tandis que les alliés poussaient leurs flottes à travers la mer Noire et que débutait le dur et long siège de Sébastopol, une attaque était également dirigée par eux contre les défenses de la Baltique protégeant St-Pétersbourg. Le sort de la Finlande n’allait-il pas se trouver remis en question ? En 1815 on en avait reconnu la possession aux Russes. Pour dédommager les Suédois qui la tenaient sous leur influence depuis le xiiime siècle, on avait imposé au Danemark la rupture de son union séculaire avec la Norvège ; et la Norvège avait été un peu malgré elle, unie à la Suède. Par la suite un événement singulier était intervenu. Adopté par le roi de Suède et de Norvège, le maréchal français Bernadotte lui avait succédé sous le nom de Charles XIV (1818-1844)[1]. C’était maintenant son fils Oscar Ier qui régnait. Or le tsar Nicolas ne bornait point à la Finlande ses visées scandinaves ; il convoitait les ports de la Norvège septentrionale dont l’accès demeure, pendant l’hiver, libre de glaces. Dans le nord la frontière suédo-norvégienne était quelque peu fictive. Pour les besoins de leur vie nomade, les Lapons, avaient l’habitude de passer librement d’un pays à l’autre. L’annexion de la Finlande avait permis à la Russie d’intervenir. Après des pourparlers sans issue, celle-ci avait en 1852 supprimé le droit d’errance des Lapons, créant de la sorte un état de choses propre à lui fournir de faciles prétextes à querelles. Ces faits avaient alarmé l’opinion britannique qui soupçonnait les Russes de vouloir mettre la main sur la Norvège et s’assurer par là « la domination complète des mers du nord ». De tout cela résultait une situation avantageuse à exploiter par les alliés mais ils ne se décidèrent pas à promettre aux Suédois en cas de victoire de leur rendre la Finlande. Ils se bornèrent à leur garantir l’intégrité de leur territoire actuel. On peut concevoir quelle influence eût exercé sur l’équilibre européen au

  1. Charles XIII qu’une révolution avait en 1809 porté au trône en place de son neveu Gustave IV, auquel le peuple suédois reprochait d’agir en créature de l’Angleterre, n’avait pas d’héritier direct. Un de ses parents adopté par lui mourut aussitôt. Un parti se forma autour de Bernadotte entré par mariage dans la famille de Napoléon et qui au cours des guerres impériales s’était fait bien venir en Poméranie des Suédois immigrés ou prisonniers. Bernadotte consentit à devenir luthérien et avec l’assentiment de Napoléon et des États-généraux de Suède fut reconnu comme prince royal.