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mille kilomètres de canaux. La houille remplaçant le combustible végétal pour fabriquer la fonte et le fer, la grande industrie se substituant au petit atelier, le coton, le lin, la laine filés et tissés mécaniquement, la vapeur devenant force motrice et actionnant la navigation et les premiers chemins de fer… ce furent là sans doute des progrès dont quelques uns dévoilèrent plus tard leur mauvais côté, dont il serait absurde néanmoins de discuter la valeur et de vouloir nier l’heureuse répercussion finale sur la destinée du travailleur manuel. Tout cela se traduisait par une hausse rapide des fonds d’État. Du cours de 52 en 1815 le 5 % français était monté à 80 dès 1818 et atteignit 110 en 1829.

Forces intellectuelles aussi : l’agitation féconde de partis politiques bien charpentés, le gouvernement passant des mains de sages conservateurs comme le duc de Richelieu et Villèle à celles de libéraux modérés comme Decazes et Martignac, plus tard l’énergie d’un Casimir-Périer puis l’intéressante rivalité d’un Thiers et d’un Guizot — un mouvement d’idées tel qu’on n’en vit jamais de plus intense, le modernisme catholique de Lamennais, de Lacordaire, de Montalembert côtoyant les audaces sociales de Saint Simon et de Fourier : tout cela revêtu de somptuosité par le romantisme de Chateaubriand, de Victor Hugo, de Lamartine[1] — l’éloquence de la tribune répondant à celle de la chaire — une presse encore inexperte mais brillante et consciencieuse… on eût dit que l’esprit français pendant cette belle période ressemblait à quelque palais enchanté, répandant de la lumière par toutes les fenêtres de ses façades.

Forces militaires enfin : au temps des armées de métier, il était malaisé pour une nation attachée à la paix de maintenir ses troupes en haleine mais l’Algérie fournit à la France un merveilleux terrain d’entraînement propre à lui former des soldats endurants et des chefs énergiques sans compter l’occasion d’un apprentissage colonial dont elle devait par la suite utiliser les enseignements. À la veille de sa chute, Charles X par l’opportune occupation d’Alger, repaire de pirates, avait accru de la façon la plus heureuse le patrimoine national. Cette conquête pourtant, on faillit l’évacuer pour complaire aux Anglais et par méconnaissance de sa valeur ; la conservant, il fallut l’étendre afin de

  1. Autour de ces trois illustres écrivains peut-on s’abstenir de nommer Vigny, Musset, de Maistre, Balzac, Stendhal, Augustin Thierry, Henri Martin, Michelet, Tocqueville et combien d’autres composant une pléiade d’une singulière richesse de pensée et d’expression.