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la révolution francaise et l’empire

ments… posèrent le germe de haines futures. Bonaparte ne tarda pas du reste à s’éloigner. Il combina son étrange expédition d’Égypte dont nous avons parlé ailleurs et qu’il devait interrompre brusquement pour rentrer à Paris, l’heure de s’emparer du pouvoir ayant paru sonner pour lui.

Le gouvernement qu’il s’agissait de renverser avait été constitué en 1795. Les principes en étaient réactionnaires sur plus d’un point d’importance. Au suffrage universel, établi en même temps que la république, avait été substitué un suffrage censitaire à deux degrés. Les électeurs du premier degré devaient être contribuables et ceux du second, propriétaires. Un conseil dit des Cinq cents proposait les textes de lois que devait approuver ou rejeter le conseil dit des Anciens. Un directoire de cinq membres se trouvait investi du pouvoir exécutif. Les petites municipalités avaient été supprimées par toute la France au profit des localités plus importantes où se réuniraient leurs représentants. Ce régime était ingénieux et les « conseils » comptèrent des hommes de valeur. Mais les folies sanguinaires auxquelles Paris avait été en proie laissaient derrière elles un malaise mental et moral dont les répercussions se manifestèrent de mille manières. Ce malaise gagna la province. Des troubles éclatèrent. Le Directoire hésita, tergiversa, se déconsidéra. L’opinion inquiète commençait à appeler de ses vœux l’intervention d’un dictateur tandis que royalistes, constitutionnels et jacobins irréductibles cherchaient à imposer leurs formules et leurs hommes. Lorsque Bonaparte apparut, revenant d’Égypte, personne ne douta qu’un coup de force ne fut prochain. Il se produisit en effet le 18 brumaire[1] au milieu d’incidents risibles qui faillirent le faire avorter.

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Dès lors Bonaparte fut le maître : d’abord comme « premier consul » (il y en avait deux autres qui ne comptèrent point) puis comme « consul à vie » (1802) enfin comme empereur héréditaire

  1. 9 Novembre 1799. Parmi beaucoup d’autres ridicules les révolutionnaires s’étaient donné celui de vouloir changer le calendrier. Le leur fut en usage quelques années. Les mois avaient reçu des noms d’ailleurs poétiques et charmants tels que prairial, messidor, brumaire, nivôse, chaque saison ayant une terminaison différente. Mais les divisions ne correspondaient pas à l’ancien calendrier demeuré partout ailleurs en usage de sorte que leur abandon ne tarda pas à s’imposer.