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besoins et ses ambitions se confondant avec les leurs. Son royaume n’en conservait pas moins une forme étrange et défectueuse. Aussi ne pouvant l’étendre au sud sans se heurter à la Saxe ni à l’ouest sans empiéter sur le Hanovre, il devait nécessairement en venir à concevoir le dépeçage de la Pologne. Il n’était pas le premier. Dès 1667 on en avait « causé » entre Suédois, Autrichiens et Brandebourgeois. En 1711 et 1713 des pourparlers s’étaient noués entre Russes et Allemands.

En Pologne, les choses n’avaient cessé d’empirer depuis la mort du roi Jean Sobieski (1696). Le règne d’Auguste de Saxe, celui de Stanislas Leczinski avaient vu s’étendre et s’agrandir les fissures qui désagrégeaient l’énorme royaume (car à part la Russie, l’État polonais était le plus grand de l’Europe). Le sénat et les libéraux se montraient partisans de réformes radicales auxquelles les nobles appuyés par les jésuites et le clergé romain s’opposaient énergiquement. Cette aristocratie avait à sa tête quelques familles telles que les Radzivill, les Czartoriski, les Lubomirski, les Potocki… possédant des districts entiers, des villes, des châteaux, parfois même de petites armées particulières. Venaient ensuite un certain nombre de famille pourvues de terres d’étendue et de revenus variables et enfin la masse des chevaliers sans fortune, entichés des exploits de leurs ancêtres et jaloux du maintien de leurs moindres prérogatives. C’est ce prolétariat nobiliaire qui gouvernait, imposant à chaque nouveau roi des limitations croissantes de son autorité, paralysant chaque réunion de la Diète par la pratique du liberum veto, ce règlement en vertu duquel, toute résolution devant être votée à l’unanimité, il était loisible à un seul de faire échec à la volonté de tous les autres. La bourgeoisie polonaise s’était éliminée depuis que le droit de posséder des terres lui avait été retiré. Les villes, jadis si prospères, étaient en décadence. Le commerce, la banque, l’industrie avaient passé aux mains des juifs.

À partir de 1763, Frédéric II se sentit les mains libres. La guerre dite de sept ans venait de prendre fin. La France en sortait affaiblie et humiliée. La suprématie continentale de la Prusse au contraire était désormais solidement établie. En Russie, d’autre part, le nationalisme d’Élisabeth se trouvait remplacé par le réalisme de Catherine II, princesse allemande