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ligne ? Au vrai il ne s’agissait pas directement de la dignité impériale puisque cette dignité conservait bien que de façon fictive son caractère électif. Mais les possessions de Charles VI comprenaient avec l’Autriche et ses dépendances, Styrie, Carniole, Tyrol, la Bohême et la Silésie, la Hongrie avec la Transylvanie et la Dalmatie, enfin la Belgique et le Milanais sans parler de quelques autres territoires de dimensions plus restreintes. C’était une belle succession qui naturellement ne manquait point de prétendants. Marie-Thérèse avait épousé le duc François de Lorraine[1] qu’elle devait réussir en 1746 à faire élire empereur. Les six années qui s’écoulèrent entre la mort de son père (1740) et l’élection de son mari furent employées par elle à se mettre en possession, morceau par morceau, de l’héritage paternel. Elle y déploya des qualités remarquables. Le duc de Broglie a pu dire d’elle que « jamais intimidée, jamais ébranlée, jamais découragée et ne voulant qu’une chose à la fois, elle ne la perdait jamais de vue ». Ses vertus privées rehaussaient ses talents politiques et par cet ensemble, elle conquit ses sujets et désarma plus d’un ennemi.

Frédéric II de Prusse ne fut point de ceux-là. Il possédait sur ses voisins d’Autriche et de Russie cette supériorité de n’avoir point à hésiter entre des politiques contradictoires. Précisément parce que l’État et le titre dont il héritait en cette même année 1740 avaient un caractère un peu artificiel, il ne s’agissait pour lui que d’agrandir et d’enrichir l’un, de fortifier et d’illustrer l’autre. Toutes les occasions devaient lui être bonnes pour y parvenir d’autant que, dépourvu de scrupules, il était pourvu de moyens abondants. Au service de son intelligence et de sa volonté étaient les finances prospères et l’excellente armée que lui léguait son père. Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740) ne s’était point lassé d’exercer cette armée et, grâce à elle, il avait pu faire l’économie de la guerre, tenant en respect ses adversaires et en haleine ses sujets. Son royaume encore composé de tronçons épars et dont le nom même semblait anormal et imprécis[2] était probablement le plus homogène de l’Europe par l’unité de l’effort

  1. La Lorraine fit en 1735 l’objet d’un échange singulier. En fait elle faisait déjà partie de la France qui l’avait occupée à diverses reprises. Stanislas Leczinski renonçant au trône de Pologne la reçut pour sa vie durant. Il était le beau-père de Louis XV de France. On sait les souvenirs que laissa à Nancy le « bon roi Stanislas ». Quant au duc titulaire de Lorraine, il reçut en échange le grand duché de Toscane.
  2. Il y avait donc en Europe, à cette époque, deux souverainetés dont les titulaires avaient été « promus rois » avec des titres incertains. L’un l’Électeur