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à des principes généraux, proclamant par exemple la solidarité des citoyens. La citoyenneté et la bourgeoisie étaient alors synonymes. Les villes laïques s’appelaient bourgs et les villes épiscopales, cités. Mais il y avait divergence sur la qualité des individus. Ici le droit de citoyenneté ou de bourgeoisie était étendu à tous les résidents ; c’était généralement le cas dans le midi. Ailleurs, surtout dans le nord, il y fallait joindre la qualité de propriétaire. Par contre, les chevaliers et gens d’église se voyaient souvent exclus de ce droit dans les communes du nord alors que celles du midi les acceptaient. Ces dernières, par tradition romaine, prétendaient élire leurs magistrats municipaux, leurs « consuls » comme on disait. Dans les premières, le droit de les désigner était reconnu au suzerain. Cependant entre 1212 et 1228 des villes comme Lille ou Douai rendirent la charge d’« échevin » élective et annuelle. Des assemblées recommençaient à se tenir. Au midi, elles avaient parfois persisté à travers les âges. « Nous, les citoyens et le peuple de Lyon, réunis selon l’usage » : ainsi s’exprimaient les rédacteurs des actes publics de l’ancienne métropole celto-romaine.

Une fois constituées, les communes firent alliance entre elles et tendirent à former des ligues, surtout là où le commerce se développait de façon plus intense. Les ligues rhénane et lombarde atteignirent une haute prospérité. En France, Périgueux, Toulouse, Marseille, Avignon, Narbonne s’unirent. La Hanse dite des dix-sept villes (en réalité elle en comptait soixante) englobait toute la Champagne avec la Picardie et la Flandre. L’an 1247, Arles, Avignon et Marseille signèrent une sorte d’alliance offensive et défensive. Car ces villes émancipées s’arrogeaient jusqu’au droit de guerre. Et nous voyons dès 1082 Carcassonne s’armer contre les seigneurs voisins. Ces seigneurs, il est vrai, n’étaient trop souvent que des brigands, des soudards capables de mille forfaits. Ils détroussaient les marchands et pillaient les convois. Certains étaient associés à des bandes organisées pour le vol. Il y en eut de sadiques comme ce seigneur du Périgord qui avait emprisonné et mutilé plus de cent cinquante malheureux. Il fallait bien se défendre contre de pareils malfaiteurs qui rendaient tout déplacement périlleux[1]. La commune y avait intérêt comme le roi. Sur ce terrain leur solidarité ne cessait de s’affirmer.

  1. Sur les côtes opéraient les « naufrageurs ». Les nuits de tempête, une lanterne accrochée par eux au cou d’une vache imitait par son balancement les oscillations du fanal d’un navire. Les navigateurs se croyant alors en mer libre venaient s’échouer sur les récifs ou les sables du rivage et les habitants se partageaient les épaves.