Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
le saint empire romain-germanique

pression d’un témoin oculaire de la capitulation de Milan. Cette capitulation obtenue en 1162 après trois ans d’efforts lui permet de quitter l’Italie où il séjourne malgré lui depuis 1158. Il a dépensé pour la dompter une énergie et une persévérance remarquables mais que ne vient féconder aucune souplesse de compréhension. Il repart, ayant installé dans les villes des « podestats », magistrats importés du dehors qu’il se propose de déplacer assez fréquemment et qui tiendront leurs administrés sous le joug. Il serait fort étonné si on lui apprenait, en le faisant lire dans l’avenir, que par tout ce qu’il vient d’accomplir en Italie, il a préparé des résistances ultérieures qui auront raison de sa ténacité, que ses exactions ont abouti à créer un sentiment national, qu’il a accru la popularité de son adversaire pontifical en lui fournissant l’occasion de s’inféoder à la cause italienne, bref que sa politique a été exactement le contraire de ce qu’elle aurait dû être et produira des effets diamétralement opposés à ce qu’il espérait. Ces erreurs de calcul sont fréquentes chez lui. Frédéric n’attend-il pas trop aussi de la hiérarchie et de l’ostentation ? Il les aime l’une et l’autre. À Aix-la-Chapelle en 1165 quand il prétend canoniser Charlemagne, à Arles, à Mayence lors de la Diète de 1184 à laquelle prennent part plus de soixante-dix princes et soixante-dix mille chevaliers, il s’environne d’une pompe excessive. D’autre part autour de lui, tout est réglementé et réglé. Il décide qu’à sa cour les ducs de Saxe seront maréchaux, les rois de Bohême, échansons. Il répartit des « chancelleries » d’Allemagne, d’Italie et « des Gaules » entre les archevêques de Mayence, de Cologne et de Trèves. Toute la société féodale est divisée en six classes ou « boucliers » ; dans la première, le souverain seul ; dans la seconde, les princes ecclésiastiques ; dans la troisième, les princes laïques et ainsi de suite. Rien de pareil en France ou en Angleterre.

La plus grande erreur de Frédéric Barberousse fut sans doute de préparer l’accession de son fils au trône de Sicile en le mariant en 1186 avec l’héritière du royaume normand, Constance, de dix ans plus âgée que lui. À l’occasion de ce mariage, il le proclama « césar » dans une fête donnée à Milan. Trois ans plus tard, le roi de Sicile Guillaume II mourait, la prise de Jérusalem par Saladin provoquait l’organisation d’une