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le saint empire romain-germanique

première ambassade conduite par l’évêque de Crémone, Luitprand, en 968 y avait échoué. C’est elle qui nous a valu de si curieux détails sur la cour de Byzance : Luitprand était un observateur sarcastique mais très perspicace. Nicéphore Phocas avait répondu à ses ouvertures en réclamant comme prix de son consentement « Rome et Ravenne ». C’était une fin de non-recevoir. Quelques années plus tard, Jean Tsimiscès s’était montré plus accommodant et le mariage tant désiré par le nouveau césar s’était accompli. Théophano se trouva régente lorsque son mari mourut laissant pour héritier un enfant de trois ans. Chose singulière, un trône si frêle se maintint. Couronné empereur à sa majorité (996) Othon III voué à une disparition prématurée eut le temps d’esquisser une politique qui fait de ce règne un épisode attachant de l’histoire. Maître de l’élection pontificale de par le rude geste d’emprise de son grand-père, il fit élire le moine français Gerbert qui, peu d’années auparavant, s’était employé avec succès à rénover la royauté française en instaurant la dynastie capétienne. Gerbert, maintenant âgé, jouissait d’une immense renommée en Europe à cause de l’étendue de ses connaissances. Il prit le nom de Sylvestre II. Othon III délaissant les brumes du nord se fit construire un palais à Rome, sur l’Aventin. Alors entre le vieux pape et le jeune césar une entente se noua pour la rénovation et la paix du monde. Othon avait vingt ans. Il faut en tenir compte si l’on veut apprécier sa bonne volonté. L’enfantillage de certaines de ses reconstitutions s’explique alors et si la formule de la collaboration esquissée apparaît bien utopique, on ne l’en juge pas moins respectable. Othon mourut en 1002 et Sylvestre le suivit au tombeau. Pour qu’une action simultanée du pape et de l’empereur pût influencer la chrétienté de façon durable, il eût fallu qu’ils commençassent par pacifier d’un commun accord l’Italie et pour cela, que l’Allemagne fût elle-même calme et ordonnée. Elle n’était ni calme ni ordonnée. Non que de grands périls se fussent affirmés aux frontières. Il y avait bien à batailler parfois contre les Hongrois ou les Polonais, mais ni ces conflits ni même l’humeur difficile des Saxons volontiers révoltés ne mettaient en danger sérieux l’homogénéité du pays. Il en était autrement de la multiplication des châteaux et des abbayes fortifiés. Là comme ailleurs le principe féodal faisait son œuvre de déchéance et d’affaiblissement moral. Tant qu’il n’y avait eu en présence que quelques seigneurs et quelques prélats titulaires de fiefs considérables, il avait été possible