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la fondation des états slaves

Ces événements suffiraient à faire du ixe siècle l’un des plus importants de l’histoire slave, même s’il n’y fallait pas ajouter un fait de grande portée : la fondation de l’État russe. Il existe une lacune dans nos connaissances relativement à la Russie primitive. Deux cents ans plus tôt, comme il a été dit tout à l’heure, les Slaves s’étaient avancés jusqu’à l’Elbe couvrant une grande partie de l’Allemagne actuelle. Derrière eux venaient les tribus finnoises qui avaient imité et suivi leur mouvement vers l’ouest. Lorsque la réaction germanique commença de se faire sentir, un recul général intervint. Dans ces grandes plaines sans fin, des nomades ont vite fait de parcourir un espace considérable. Il est naturel que le détail des pérégrinations finnoises nous échappe et nous n’y trouverions du reste qu’un faible intérêt. Mais nous ignorons également quand et comment, dans leur retraite, les Slaves furent amenés à s’immobiliser çà et là autour de villes en formation comme Smolensk, Novgorod et Kiew où des fouilles ont révélé une industrie et un commerce assez anciennement développés. Quoiqu’il en soit, les Scandinaves furent de très bonne heure en relations avec Byzance par la Baltique et le Dniéper. Ces Scandinaves appelés Rouss par les Finnois commerçaient en courant les aventures. Il paraît exact que des Slaves soient venus dire à quelques-uns d’entre eux — Rurik et ses frères — la parole fameuse : « Notre pays est grand et riche mais l’ordre y fait défaut : venez nous gouverner ». Ils vinrent peu nombreux et très rapidement fusionnèrent avec leurs nouveaux sujets. La date généralement acceptée pour l’accession de Rurik est l’an 862. Il prit le titre de Grand prince ou Grand duc. Son domaine dont Novgorod fut le centre s’étendit vers le haut Volga, région encore habitée par les Finnois. Mais son successeur Igor régna à Kiew qui demeura longtemps capitale des États russes. Novgorod délaissée par lui devint une sorte de république indépendante vouée au commerce — en fait la première des cités hanséatiques. Sa prospérité devait durer plusieurs siècles. D’énormes richesses, une population nombreuse lui permirent d’étendre sa domination de la Livonie à la Sibérie. Pendant ce temps les principautés créées en apanage pour les descendants de Rurik auraient à traverser mille vicissitudes avant de se fondre en un État unique ayant Moscou pour centre.

La déroute définitive des Slaves de l’Elbe survint au xe siècle. Elle était devenue inévitable, tant par leur isolement