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Sous les successeurs de Canut, son héritage se désagrégea rapidement. Ni la figure d’Édouard le confesseur ainsi nommé à cause de sa piété mais qui ne sut pas régner ni celle d’un gouverneur de comté, Codwin, dont la légende a voulu faire plus tard un grand patriote anglais et qui ne fut qu’un ambitieux — ne méritent qu’on s’y arrête. C’est ailleurs que se préparait la continuation des destins de l’Angleterre.

À peine plus de cent années s’étaient écoulées depuis le jour où, à Saint-Clair-sur-Epte, Rollon avait reçu de Charles le simple l’investiture du duché de Normandie (911) lorsque naquit, à Falaise, du duc Robert et d’une jeune paysanne fille d’un tanneur de la localité celui qui devait s’appeler Guillaume le conquérant. Ces cent années avaient été remplies pour le nouveau duché par des événements multiples et ce n’est point sans peine que s’y était implantée la dynastie scandinave. Longtemps le caractère de son pouvoir était demeuré un sujet de contestation entre les intéressés. Rollon s’estimait chef suprême et indépendant tandis que le roi de France le tenait pour son vassal et que les seigneurs normands ne voulaient voir en lui qu’un « honoraire » dont, sur leurs propres terres, ils n’entendaient guère subir l’autorité. Mais ces immigrés venus sans famille n’étaient que quelques centaines et Rollon les maîtrisa en s’appuyant sur le peuple dont il épousa très intelligemment les intérêts. Tant par l’abolition du servage dont il donna l’exemple dans ses domaines que par les travaux publics qu’il entreprit — notamment pour faciliter la navigation sur la Seine — il se concilia vite une population travailleuse et avide de sécurité. Lorsque Rollon s’en fut allé en 917 reposer dans son tombeau qu’on voit encore en la cathédrale de Rouen[1], il advint que son fils et successeur Guillaume surnommé « Longue-épée » éprouva la mauvaise humeur des anciens compagnons d’armes de son père. Leur rébellion échoua. Déjà autour d’eux, sauf dans la région de Bayeux, on avait cessé d’entendre leur langue d’origine. Eux-mêmes s’en détachaient. Bon gré mal gré, la terre et la race absorbaient ces vainqueurs dont elles n’allaient garder que le nom. Ils se christianisaient du reste rapidement. Au début le christianisme avait été, à leurs yeux, une étiquette quelconque. L’un d’eux qui se faisait baptiser peut-être pour la douzième ou quinzième fois ne

  1. La cathédrale actuelle fut commencée au xiiie siècle seulement.