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l’angleterre et les scandinaves

moins reculée ; ce sont les objets et les monnaies trouvées en nombre inattendu : objets de fabrication étrusque ou phénicienne, monnaies romaines dont on suit la série jusqu’à la première moitié du iiime siècle de l’ère chrétienne. À ce moment on dirait qu’une barrière s’est élevée entre la Scandinavie et l’Europe continentale. Mais vers le vime siècle, le contact est rétabli. Les tombeaux d’alors renferment des monnaies de presque toutes les régions européennes. Ces alternances sont à noter ; elles correspondent aux périodes où l’Allemagne du nord et la Russie ont été troublées par les allées et venues de tribus fugitives ou affamées — période succédant à d’autres pendant lesquelles la prospérité et une paix relative s’étaient établies.

C’est surtout alors — lorsque la terre ferme se fait inquiétante ou désavantageuse à parcourir — que les expéditions maritimes des Scandinaves se multiplient. Les archipels, les estuaires, les fjords y incitent une jeunesse avide d’aventures et à l’entraînement de laquelle on dirait que la nature elle-même s’est voulu consacrer. On a commencé par faire du commerce et bientôt de la piraterie (profession réputée noble) au détriment des plus proches voisins. À ce sport on s’est enrichi. La population s’est accrue rapidement ; les appétits aussi. On décide d’aller plus loin. Des chefs ambitieux recrutent des équipages ; ils n’ont aucune peine ; l’offre abonde. Cadets sans patrimoine, indépendants qui ne veulent se plier à aucune règle sociale, révoltés qui ont quitté leur famille ou leur clan, simples audacieux qu’exalte le mystère des horizons inconnus, tous répondent en foule à l’appel. On les appellera les Normands, les « hommes du nord ». Ce sont indistinctement des Suédois, des Danois et des Norvégiens mais ces derniers dominent. Pillards effrontés capables d’agir férocement dès qu’ils rencontrent la moindre résistance, ils se montreront pourtant aptes aux plus incroyables assimilations, aux plus rapides transformations. Ils ont au plus haut degré le culte de la force individuelle (de la force incontrôlée par quoi ce culte se distingue de celui de la force grecque). « Je ne crois qu’à ma vigueur », dit l’un d’eux. « Mon frère et moi, dit un autre, nous n’avons foi que dans notre force ». Et un viking s’écrie : « Je n’ai aucune confiance aux idoles ; je ne me fie qu’à mon bras ». Il s’en faut pourtant que la race dont ils sont issus émerge seulement de la pleine barbarie. Loin de là. Elle apparaît très en avance sur ses cousins d’Allemagne. Elle a