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l’angleterre et les scandinaves

monastère d’Iona[1] devint un centre d’études latines. Les institutions ecclésiastiques qui se développaient à l’ombre de cette science laïque rappelaient celles de la toute primitive Église. La vie de couvent n’y comportait ni vœux perpétuels ni célibat forcé ; dans les temples, il n’y avait ni autels ni images d’aucune sorte. La hiérarchie sacerdotale était réduite au strict minimum et l’on était animé à l’égard de la papauté d’un sentiment respectueux mais sans aucune notion d’obéissance obligatoire. Bref il y avait là comme une sorte de protestantisme sans protestation, inconscient, dépourvu de tout esprit de réaction et mélangé de liberté individuelle, de charité et de culture intellectuelle.

La conversion des Angles fut entreprise par le pape Grégoire le grand. Traversant à Rome, avant son avènement, le marché des esclaves, il s’était arrêté frappé d’admiration devant des adolescents blonds aux yeux bleus qui s’y trouvaient exposés pour la vente ; il avait demandé leur origine. Ce sont des Angles, avait répondu le marchand. « Non Angli, sed angeli » (non pas des Angles mais des anges !) s’était exclamé Grégoire. Devenu pape, il confia l’évangélisation de ce peuple lointain à quarante moines ayant à leur tête l’un d’eux nommé Augustin. Ces envoyés réussirent à gagner la confiance d’un des princes de l’Heptarchie, celui de Cantorbéry ; sa femme, petite fille du roi Clovis était déjà chrétienne. En 597 il se fit baptiser avec dix mille de ses sujets. Augustin devint archevêque de Cantorbéry et le christianisme fit dès lors de rapides progrès dans toute l’Heptarchie.

Mais en face de cette Église anglo-latine si fortement attachée à la papauté dont elle était directement issue se tenait toujours l’Église celte, point hostile, demeurant néanmoins fidèle à ses doctrines et à ses coutumes. On essaya de s’entendre. On discuta en de nombreuses rencontres sans parvenir à se convaincre réciproquement. Il advint parfois que les princes barbares récemment convertis assistassent aux controverses. On conte que l’un d’eux entendant citer la parole du Christ à l’apôtre Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église », s’enquit « si le Seigneur avait réellement parlé ainsi » et, la réponse ayant été affirmative, se prononça en faveur de l’entière soumission au siège de Rome de crainte de mécontenter « celui qui était le portier du paradis ». Les divergences entre les deux groupes eurent ce résultat bienfaisant d’alimenter entre

  1. L’île d’Iona est située sur la côte ouest de l’Écosse dans le voisinage de l’îlot de Staffa où se trouve la merveilleuse « grotte de Fingal ».