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sont les plus proches des siennes. Il veut s’agrandir, voilà tout ; et naturellement aux dépens du voisin immédiat. En 486 les troupes de Syagrius sont complètement défaites par celles de Clovis. Voici le pouvoir de ce dernier brusquement étendu de la Somme à la Loire. Ce coup de fortune ne pouvait manquer d’éveiller l’attention des évêques. En 493 Clovis épouse la seule princesse catholique[1] de toute la Gaule, la douce et pieuse Clotilde, nièce du roi arien des Burgundes. Est-ce là un hasard ? On ne saurait le penser car, dès alors, les sympathies de l’Église entoureront Clovis d’une sorte de réseau protecteur. En guerre contre les Alamans et sentant à Tolbiac (496) fléchir ses soldats, il propose un marché au Dieu de sa femme Clotilde. Il n’a pas eu à s’en louer car leur premier enfant qu’il a consenti à faire baptiser est mort aussitôt mais il n’a pas confiance non plus dans ses propres dieux ; alors il risque l’aventure. Elle tourne bien. Voici la victoire. Le baptême suit. Il est donné à Reims par l’archevêque Remi. C’est un grand acte, de conséquences immenses. La monarchie des Francs est fondée sous le patronage de l’Église.

Les débuts sont saisissants. Clovis a pris aux Alamans la région de Francfort (Frankfurth, gué des Francs) qui plus tard gardera le nom de Franconie. Aussitôt il se tourne contre les Burgundes. Tous les évêques sont avec lui. Avitus, archevêque de Vienne fait en sa faveur une propagande ardente et s’adresse à lui comme à un nouveau Constantin. Le succès ne tarde pas. Maintenant ce sont les Wisigoths : mêmes appuis, même succès. Clovis entre à Bordeaux, à Toulouse, met la main sur un important butin. Son renom va jusqu’à Byzance. L’empereur Anastase lui octroie les honneurs consulaires. Le reste du règne est peu respectable. Clovis se débarrasse de tous les petits rois francs ; il y en a à Cologne, à Cambrai. Il veut être le seul. L’assassinat est un moyen commode. Et Grégoire de Tours avec une inconscience magnifique exalte ces disparitions successives en ces termes : « Chaque jour Dieu faisait ainsi tomber les ennemis de Clovis sous sa main. » Le roi des Francs n’a plus rien à désirer. Il fixe sa résidence à Paris, y préside un concile et y meurt l’an 511 âgé seulement de quarante-six ans.

Le grand royaume qu’il a eu la chance de constituer en si

  1. Le mot catholique est ici opposé à arien mais ce terme n’est devenu d’usage courant que bien plus tard par opposition aux termes de réformé ou de protestant.