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l’aide romaine s’affirmât. Rome entrait alors dans la formidable crise de corruption, de guerres civiles, de révoltes dont la république devait périr. De tous côtés et dans son sein même se dressaient des alternatives alarmantes. D’autre part le monde germanique encore informe se découvrait à la fois un but et des chefs. Le but : détruire le celtisme. Une véritable haine, née d’une sorte d’antinomie mentale plus encore que de jalousies matérielles, s’esquissait notamment chez les Suèves et chez les Daces. Ces peuplades avaient marché à la rencontre l’une de l’autre ; s’étant jointes elles firent alliance. Burbista, chef des Daces, avait à la fois des allures de roi et de prophète et insufflait à son peuple son ardeur mystique. Arioviste, chef des Suèves, était une manière de brigand capable des pires colères et des pires flatteries, cruel autant que fourbe mais intelligent et avisé.

À la faveur d’une querelle de voisinage entre populations celtes, Arioviste pénétra en Gaule et s’installa dans le sud de l’Alsace. D’autres Germains vinrent le rejoindre. Leur nombre grossissait sans cesse ainsi que leur arrogance. Arioviste parlait déjà en maître de la Gaule qu’il contemplait, de la trouée de Belfort, comme une proie certaine. Pendant ce temps, de l’autre côté du Jura, les Helvètes préparaient une émigration gigantesque. Un chef ambitieux, Orgetorix, leur avait persuadé — en vue peut-être de les décider à l’accepter pour roi — de se transporter sur les rives de la Garonne. Il est à croire que les récentes aventures par lesquelles ils avaient passé et la perpétuelle insécurité de leurs frontières les incitaient à aller vivre sous des cieux plus tranquilles. L’an 58, sur le site où s’éleva depuis la ville de Genève plus de deux cent cinquante mille émigrants volontaires se trouvaient donc assemblés bien en ordre avec chariots et subsistances, attendant la permission de traverser le nord du territoire romain pour gagner la patrie de leur choix.

En travers de tout ce désordre surgit Jules César. Il se trouvait investi pour cinq ans du proconsulat d’Illyrie et de Gaule. Rome à cette heure ne s’intéressait à ces régions que dans la mesure où sa sécurité immédiate l’exigeait. Dans la province dont Narbonne était la capitale, elle avait été précédemment représentée par des fonctionnaires sans foi ni loi comme elle en avait tant. Ils s’étaient conduits en exploiteurs cyniques. Poursuivis par leurs victimes, il avait fallu toute l’éloquence de Cicéron pour les faire acquitter (69 et 67 av.