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les décisions du dernier concile de Bâle. De cette assemblée était issu l’acte connu sous le nom de Pragmatique-sanction. L’article ier reconnaissait la subordonation du pape aux conciles généraux : question d’une haute portée et qui exerça une grande influence dans l’éclosion du protestantisme. La Pragmatique-sanction donnait quelques satisfactions aux désirs d’une partie du clergé français de fixer ses droits et ses libertés. Ce fut en somme le point de départ du mouvement appelé plus tard : gallicanisme. Rome n’avait point accepté la Pragmatique-sanction mais les négociations se poursuivaient en vue de l’y amener. Or Louis XI en 1463 interrompit brusquement ces négociations et supprima l’objet du litige.

Des historiens, ainsi qu’il leur est si souvent advenu, ont donné trop d’attention à ce souverain et trop peu à ses sujets. La France capétienne vivait toujours. Elle s’était remise au travail avec un courage et une patience admirables. Sa force vitale diminuée pourtant de moitié dans les régions que la guerre avait dévastées semblait entière. Elle n’avait même rien perdu de sa gaieté. Une foule de confréries joyeuses l’entretenaient : les Cornards à Rouen, la Mère folle à Dijon, les Sans soucis à Paris. On raffolait du théâtre avant presque qu’il n’y eût de répertoire. Le répertoire il est vrai débutait alors par un petit chef d’œuvre, Maître Pathelin. La Basoche (clercs) et les Escholiers (étudiants) étaient toujours prêts à fournir des acteurs. L’aristocratie se plaisait aux ballades et aux rondels ; le peuple, aux satires et aux chansons ; satires mordantes contre la noblesse, le clergé, les femmes ; chansons légères et fraîches dont le rythme jusqu’alors incertain tendait à se fixer. L’épopée ennuyait. Personne ne songeait à célébrer Du Guesclin ou Jeanne d’Arc. On semblait surtout avide de travail productif et de joyeuse insouciance, l’une étayant l’autre. D’étonnantes audaces progressistes pointaient çà et là. Quoi de plus nouveau que cette Christine de Pisan cherchant à vivre de sa plume et à faire vivre sa mère et ses trois enfants : journaliste et féministe d’avant-garde, faisant du reportage, prêchant des réformes et s’adressant au public par dessus la tête des dirigeants du moment. Quoi de plus étrange que la brève carrière de ce François Villon, poète de génie et coureur de bouges, tirant en quelque sorte du ruisseau la langue claire, précise, étincelante qui serait celle des grands écrivains futurs.

Mais la vigoureuse convalescence qui réveillait les forces réfectives de la France s’accompagnait, comme volontiers en