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l’europe à la fin du xve siècle

nouvelle et grandir aux temps malheureux de la guerre dite de cent ans. Celui qui en était investi régnait en fait et en droit non seulement sur la Bourgogne et la Franche-comté mais sur les Pays-Bas (Belgique et Hollande) et possédait en outre les villes d’Amiens, St-Quentin, Péronne, Montdidier et Abbeville. C’étaient là assurément des domaines disparates et discontinus auxquels Dijon servait pourtant de centre réel parce qu’ils tenaient ensemble par le double lien de la richesse et de l’art. Seuls épargnés au cours des événements qui avaient appauvri la France, il n’est pas surprenant que ces pays fussent en grande prospérité. D’autre part la cour ducale qui cherchait à attirer par son faste les regards de toute l’Europe ne pouvait manquer de devenir le point de mire des artistes dont elle était seule à même d’encourager le talent en le rémunérant de façon suffisante. Par elle l’art flamand affirma sa prépondérance. Dans son pays natal des monuments comme les halles d’Ypres ou le beffroi de Bruges — et bientôt les merveilleux Hôtels de ville de Bruxelles et de Louvain attestaient l’originalité de ses aspirations. Van Eyck ouvrait à la peinture des perspectives nouvelles et le hollandais Sluter installé à Dijon dès la fin du xivme siècle avait laissé derrière lui une école de sculpture d’un puissant réalisme. L’art français n’était peut-être pas moins doué mais faute de protection, il n’affirmait que timidement son autonomie. On la lui a longtemps déniée. C’est la critique moderne qui a mis en lumière ce qu’il y eut de spécialement national dans le talent d’un Jehan Fouquet ou d’un Nicolas Froment. Par le malheur des temps les magnifiques ateliers de tapisserie de Paris avaient dû émigrer à Arras et à Bruxelles. Ainsi les ducs de Bourgogne, les « grands ducs d’Occident » comme déjà ils aimaient à être qualifiés, concentraient dans leurs États l’effort vers la beauté et faisant figure de mécènes inspirateurs alors qu’ils étaient surtout en ceci bénéficiaires des infortunes d’autrui.

Lorsque le duc Philippe le bon mourut en 1467 il laissait pour héritier son fils Charles, comte de Charolais que l’histoire connaît sous le nom de Charles le téméraire. Il y avait alors six années que Louis XI régnait en France et déjà il y avait passé par de dures expériences. Les grands vassaux qui s’étaient unis volontiers à lui jadis contre son père et dont il avait la candeur de vouloir se faire maintenant obéir avaient formé contre lui une dangereuse coalition dénommée : ligue du Bien public, malgré que le bien public fut assurément le dernier souci des coalisés. Obligé de leur céder, le roi de France s’était trouvé, dit un