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la race, les états et le génie celtes

de la population à envisager la nécessité de nouveaux établissements. Ses neveux Sigovèse et Bellovèse mis à la tête d’importants contingents se dirigèrent l’un le long du Danube, l’autre vers la vallée du Po. Renforçant les groupements déjà créés en Bohème, poussant jusqu’à la Moravie et à la Silésie d’une part, puis descendant vers le sud et fondant au passage Belgrade, la première expédition mit les Celtes en contact avec l’orient hellénique ; la seconde les établit dans la haute Italie. Ils y fondèrent Milan et après avoir battu les Étrusques, ils entrèrent en conflit avec Rome.

Ils n’y entrèrent point brutalement comme l’histoire anecdotique l’a longtemps donné à croire. Rome livrée par trahison, le Capitole éveillé par les oies sacrées, les sénateurs attendant l’ennemi immobiles dans leurs chaises curules, la rançon enfin dont le poids monnayé est accru par le geste du chef gaulois jetant son épée dans le plateau de la balance en prononçant la parole fameuse : væ victis, malheur aux vaincus !… tout cela n’est point nécessairement faux ni même peut-être exagéré mais il faut y voir les exploits de bandes irrégulières comme il s’en organisait si aisément alors parmi les barbares. Les Celtes qui n’étaient déjà plus des barbares surent fort bien exploiter les richesses de cette fertile vallée du Po dont ils venaient d’évincer les Étrusques et dans laquelle ils devaient séjourner deux siècles. L’histoire de leurs progrès est racontée par l’étude des tombeaux et des objets qui s’y trouvaient enfermés. Quelle lumière l’archéologie n’a-t-elle pas recueillie de cette étude ! Chez tous les peuples antiques, même chez ceux qui ont pratiqué temporairement l’incinération, les tombeaux ont contenu les armes, les parures, la vaisselle, les bibelots favoris du défunt. Combien de guerriers celtes ont été ensevelis, étendus sur leurs « chars de combat » et même de navigateurs scandinaves sur leurs embarcations effilées. Combien de colliers, de bracelets, de vases, de candélabres, d’ustensiles de toutes sortes la science moderne n’a-t-elle pas exhumés et catalogués, dressant ainsi par le secours des rites funéraires le double inventaire des mœurs et de la fortune locales d’une part et de l’autre, des ressources industrielles et commerciales de chaque période successive. Les tombes celtiques de la vallée du Po nous renseignent non seulement sur la prospérité mais sur le prompt raffinement des vainqueurs. Voici dans des tombeaux féminins des diadèmes d’or imitant des feuillages, des dés à jouer, des peignes d’ivoire, des flacons à parfums. Au même temps on