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constance à aider envers et contre tous Christophe Colomb dans ses aspirations à tenter la traversée de l’océan à la recherche d’un continent nouveau, il semblera étrange qu’une souveraine d’esprit si ouvert ait attaché son nom au développement d’une institution telle que l’inquisition. Il y a eu deux « inquisitions » ; souvent on les confond. La première, toute ecclésiastique, sortit au XIIIme siècle de la malheureuse « croisade des Albigeois ». Elle débuta par de simples « enquêtes ». Dans chaque paroisse, un prêtre et deux laïques furent désignés pour rechercher et dénoncer les hérétiques (1229). En 1233 ces recherches furent confiées à l’ordre des Dominicains : Carcassonne, Toulouse et Albi en étaient les centres. Le pape Innocent IV commit l’infamie d’autoriser l’emploi de la torture pour arracher des aveux. Dès lors les princes séculiers eurent intérêt à seconder les inquisiteurs et à dresser le plus possible de bûchers ; ils confisquaient ensuite les biens des victimes. Parties du midi de la France, ces tristes mœurs se répandirent en Italie et en Allemagne. Mais en Espagne, l’inquisition fut royale et politique. Elle s’inspira d’une formule redoutable qu’on peut ainsi traduire : « Ceux-là seuls qui professent la religion de l’État sont des citoyens sûrs et dignes de confiance ». L’intolérance ici ne se réclame pas de la foi professée, de la conviction intérieure mais bien de l’intérêt gouvernemental ; elle est administrative pour ainsi dire. Aussi, à partir de ce moment, la verra-t-on dans tout l’occident, marcher fréquemment de pair avec l’indifférence, voire avec l’incrédulité. L’Espagne était un terrain particulièrement propice à l’éclosion d’une pareille doctrine. Nous avons noté, dès le temps des rois wisigoths, l’âpreté des revendications religieuses. Depuis lors une sorte de croisade à l’état endémique s’y était perpétuée. Les Arabes, après leur défaite définitive étaient demeurés nombreux. Les juifs également, malgré bien des persécutions et des massacres. Plus d’une famille noble se trouvait alliée à eux. Il arrivait que des convertis retournassent secrètement à leurs anciennes croyances. D’autres que l’on traitait de « judaïsants » ou d’« islamisants » s’adonnaient à un christianisme de moins en moins orthodoxe. À l’égard de ces renégats ou demi-renégats, les Espagnols de descendance chrétienne pure entretenaient une haine farouche et croissante. La prise de Grenade (1492) détruisant le dernier vestige politique de la domination arabe les remplit d’enthousiasme. L’inquisition établie depuis dix ans contre les juifs étendit dès lors aux musulmans l’atrocité