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pour l’asservir ; il vit ses troupes défaites à Feldkirch et à Dornach (1499) et dut signer à Bâle un traité qui consacrait son échec.

iv

Sur le Danube où les Magyars avaient établi une enclave asiatique, il s’était passé un phénomène analogue à celui dont, presque en même temps, la Normandie était le théâtre. Ici et là, des représentants de races énergiques, venus chercher audacieusement fortune au loin et d’abord adonnés au pillage et à la piraterie s’étaient immobilisés et, récents convertis, mués en champions de la civilisation à laquelle ils avaient jusqu’alors porté de redoutables coups.

Sitôt établie et christianisée la monarchie magyare avait pris pied en Transylvanie et en Croatie[1]. Le roi Étienne professait une théorie qui, exprimée vers l’an 1000 ne manque pas de piquant. « Faible et débile, disait-il, est le royaume qui n’a qu’une langue et des coutumes uniformes ». Ce n’est pas seulement en Hongrie que cette formule a trouvé faveur. Consciemment ou non en bien des points du monde, des politiques différentes s’en sont inspirées, l’opposant à l’autre formule, celle qui incite un État à chercher les bases de sa force dans l’unification des lois, du langage et des croyances. De nos jours encore, on s’attache à l’une ou à l’autre et parfois avec un âpre exclusivisme comme s’il s’agissait de dogmes intangibles.

Au début, les rouages de l’État magyar fonctionnèrent remarquablement et de façon libérale. Après la mort de Koloman (1095-1114) une sorte de décadence s’esquissa. Béla III (1173-1196) élevé à Byzance semble n’avoir guère agi en souverain national et s’être mis en tête d’helléniser son peuple. Il n’y pouvait réussir. Une oligarchie se constitua qui sous André II (1205-1235) se fit reconnaître la propriété héréditaire des donations et des offices mais la petite noblesse s’insurgea et imposa la « Bulle d’or » (1222), cette curieuse réplique de la

  1. La Transylvanie était partiellement habitée par des descendants des colons de Trajan, ancêtres des Roumains actuels. Ils s’y étaient réfugiés, abandonnant temporairement la plaine au temps des grandes invasions. Quant à la Croatie, indépendante puis soumise à Charlemagne et ensuite aux Byzantins, elle avait connu sous Pierre Ier (1050-1073) son apogée. Par la suite Venise lui enleva la Dalmatie et le roi de Hongrie ceignit la couronne croate (1102).