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le duel anglo-français

pur. Cette misère grandissait sans cesse. Tant qu’avait vécu le duc Jean de Bourgogne, il y avait espoir qu’il se décidât à prendre en main la cause nationale mais il hésitait, calculant petitement ses chances. Les Armagnacs, eux, ne pensaient qu’à venger sur sa personne le meurtre du duc d’Orléans. En 1419 à Montereau, ils réussirent à lui tendre un guet-apens lors d’une entrevue avec le dauphin à laquelle il avait consenti. Jean assassiné, son fils et successeur le duc Philippe, la rage au cœur, signa aussitôt un traité avec le roi d’Angleterre. Henri V était reconnu comme régent de France et successeur légitime de Charles VI à sa mort. Heureusement ce fut Henri qui trépassa le premier à Vincennes de façon prématurée laissant son trône et ses conquêtes à un enfant de neuf mois, Henri VI que l’on proclama à Paris « roi de France et d’Angleterre » sous la régence du duc de Bedford. Bientôt après le lamentable Charles VI disparaissait à son tour (1422) et, à Bourges, le dauphin devenait Charles VII. Ses domaines se réduisaient au Berri, à l’Anjou, au Dauphiné, au Lyonnais, à la Marne domaines pour la plupart dévastés par la famine et les épidémies. Ceux de son rival ne l’étaient guère moins, l’angle sud-ouest excepté. En face de ces souverainetés incertaines ou misérables, le duc de Bourgogne seul faisait figure de monarque riche et puissant. Il semblait plus que jamais qu’en son palais de Dijon, il fût l’arbitre des destins occidentaux. Six années passèrent au milieu de calamités dont on n’espérait plus voir la fin. « Le royaume le plus opulent n’était qu’un monceau de cendres » selon l’expression de Pétrarque. Cependant Jeanne d’Arc résistait en vain à l’appel qu’elle entendait. C’était comme la clameur du peuple martyrisé qui vibrait en elle. « J’aimerais mieux filer auprès de ma mère », soupirait-elle. Mais sa mission s’extériorisait pour ainsi dire et la conviction gagnait ceux qui l’approchaient. Le 6 mars 1429 elle se fit conduire à Chinon et, démasquant le roi qui se dissimulait parmi ses courtisans, marcha droit à lui. Le 30 avril elle pénétra dans Orléans qu’investissaient les Anglais et dès le 6 mai les forçait à en lever le siège. Alors, se retournant vers le roi, elle l’emmena malgré ses conseillers jusqu’à Reims pour l’y faire sacrer : voyage que déconseillaient la prudence et la stratégie. On contourna Paris et l’on reprit Troyes au passage. À l’issue de la cérémonie, Jeanne insista pour retourner chez ses parents. On ne voulut point la laisser partir. Elle-même nourrissait une secrète envie de « voir Paris » ; mais, désormais, comme désorientée, elle ne guerroya plus avec la