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le duel anglo-français

Or cette effervescence avait un de ses foyers dans les Flandres toujours agitées depuis les événements que nous avons racontés. Le duc Philippe de Bourgogne qui se trouvait par mariage devenu l’héritier du comte de Flandre y emmena le roi à la tête de troupes chargées de la répression laquelle fut inique et, au retour, eut son prolongement en France. Les corporations furent maltraitées et, à Paris, la charge de prévôt des marchands, supprimée.

À vingt ans (1388) Charles VI à qui on venait de faire épouser une princesse bavaroise parente du duc de Bourgogne remercia ses oncles et, pris d’un beau zèle, rappela tous les conseillers de son père et rétablit le prévôt des marchands. Les nobles se gaussèrent de ces revenants qu’ils affectaient d’appeler des « marmousets » mais tout de suite ce nouveau gouvernement réparateur fonctionna de façon à rendre confiance au pays. Par malheur le roi demeurait un fêtard incorrigible. Il se rendit en Languedoc ; il le trouva épuisé et ruiné. Le duc de Berri qui l’avait administré en avait fait, pour satisfaire ses besoins de luxe, une province de misère d’où quarante mille habitants avaient déjà émigré. Charles enleva le Languedoc à son oncle et y envoya des réformateurs avec pleins pouvoirs. Mais il rentra épuisé de ce voyage au cours duquel il n’avait pas cessé de participer à des joutes et à des réjouissances de toutes sortes. La folie le guettait. Elle s’empara de lui en 1392 un jour qu’il traversait la forêt du Mans à cheval sous un soleil ardent.

Fort heureusement l’Angleterre n’était pas menaçante. Aucune paix officielle n’avait été signée mais des séries de « trêves » toujours renouvelées en tenaient lieu. Le jeune roi Richard II était partisan d’une paix définitive. En attendant, en 1396, une trêve de vingt-huit années fut consentie de part et d’autre mais, trois ans plus tard, Richard était renversé par son cousin Henri de Lancastre qui se fit roi (1399-1413), sous le nom de Henri IV. Et celui-là — prince réactionnaire et entreprenant — après avoir réprimé l’indiscipline au dedans, tourna de nouveau ses regards vers la France avec l’idée d’y reprendre pied. La tentation était forte car la situation qui se dessinait dans ce pays était bien propre à faciliter pareille entreprise. En face de la royauté affaiblie un pouvoir provincial y surgissait avec lequel il devait être aisé de s’entendre parce que le centre de gravité en était éloigné de Paris et que dès lors la possession de la Normandie et de la Guyenne ne paraîtrait pas indispensable à ceux qui l’exerçaient.