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le duel anglo-français

chands de Paris, apparut aux États de 1357 en personnage de premier plan. On l’a exalté ou honni selon les passions politiques qui dictaient le jugement. À lui comme à tant d’autres figures des temps révolutionnaires pourrait s’appliquer l’épithète de « roseau peint en fer ». Car c’est en ces temps-là qu’apparaissent des meneurs qui sont en réalité des « menés » étant sans cesse débordés par leurs troupes ou par les circonstances. Le Paris d’alors évoqua étrangement, quatre siècles à l’avance, celui de 1789. D’une part un mouvement réformateur hardi mais sage tendant à un fécond équilibre politique ; de l’autre des excès de langage, des gestes désordonnés issus d’une de ces situations troublées qui surexcitent les esprits incultes et désarçonnent le bon sens. On parlait dans les carrefours, on manifestait sans mesure. Il eut même des exécutions sommaires avec parodie de justice. Le dauphin en fut « ébahi » mais il garda son calme et sa lucidité et s’échappa de Paris à point pour en appeler de la capitale au royaume. Cette première « fuite de Varennes » réussit. Pour compléter la ressemblance, un candidat au trône se présentait, une manière de « Philippe-égalité » prêt à toutes pirouettes et s’entendant à flatter les passions populaires. C’était le roi de Navarre, Charles[1]. Étienne Marcel se laissa duper par lui. L’évêque de Laon, Robert Le Cocq complétait le triumvirat composé ainsi de deux ambitieux sans scrupules et d’un patriote égaré auquel ses premiers succès tournaient la tête. En province la misère allait croissant. Les paysans des régions de Beauvais et d’Amiens et ceux de la Champagne formèrent des bandes exaspérées qui se mirent à piller (1358). Ils s’appelaient eux-mêmes les « Jacques » d’où le nom de Jacquerie donné à l’insurrection. Ils furent abattus. Les nobles organisèrent des représailles affreuses. En quelques jours vingt mille paysans furent massacrés. Le mouvement de réaction gagna la capitale. Étienne Marcel fut assassiné et les parisiens rappelèrent le dauphin qui, sitôt rentré, prêcha le calme et arrêta les exécutions. Pendant ce temps dans sa prison de Londres, le roi Jean avait négocié bonnement un traité par lequel les deux tiers de la France étaient cédés aux Anglais en toute souveraineté. On devait, en plus, leur verser une rançon de quatre millions

  1. La Navarre s’était trouvée réunie à la France par le mariage de l’héritière avec Philippe IV de France. Puis en 1328 elle était redevenue indépendante. Charles « le mauvais » qui y régna de 1343 à 1387, appartenait à la lignée royale française par sa mère, fille de Louis X.