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le duel anglo-français

d’Angleterre comme la préparation des deux « Grandes ordonnances » (ces pendants français de la charte anglaise) est un chapitre de l’histoire de France mais voilà précisément ce qui distingue cette époque ; les deux histoires s’emmêlent si bien ou — un moment démêlées — demeurent si singulièrement parallèles qu’on ne peut les analyser séparément.

La « Grande charte » qui spécifiait en principe qu’aucun impôt ne devait être levé sans le consentement des contribuables et qu’aucun citoyen ne pouvait être arrêté et emprisonné sans jugement régulier fut l’enjeu d’une lutte acharnée. Signée en 1215, révoquée en 1227, rétablie et consolidée à Oxford en 1258, cassée en 1261 par le pape qui s’en était arrogé le droit, réimposée au roi Henri III en 1265 par un parlement assemblé malgré lui[1] elle devint définitive par le loyal acquiescement du roi Édouard ier (1272-1307) le premier monarque national qu’aient eu les Anglais depuis la conquête normande. Le Parlement auquel, à partir de 1265, les bourgeois eurent aussi accès à côté des évêques et des lords fut en 1295 divisé en deux chambres. Les institutions anglaises se trouvèrent ainsi constituées telles qu’elles ont subsisté jusqu’à nos jours. Édouard était droit et intelligent mais violent et d’esprit souvent étroit. En Guyenne où il séjourna de 1286 à 1298, il reprit aux villes de Bordeaux et de Bayonne le droit d’élire leurs maires. Il fit en 1284 la conquête du pays de Galles. C’était alors une sorte de principauté fédérative qui n’avait de chef unique qu’en cas de guerre et dont le celtisme irréductible avait assimilé sans peine les quelques aventuriers normands qui vers 1110 s’y étaient faufilés. Désormais l’héritier du trône britannique porterait le titre de prince de Galles. En Écosse l’intervention fut moins heureuse. Le régime féodal y était solidement organisé ; les villes pauvres et peu nombreuses. Les Highlands ou Terres hautes étaient celtes ; dans les Lowlands, il y avait passablement de Danois, d’Anglo-saxons et de Normands. Le pays s’enorgueillissait d’une longue liste de rois légendaires remontant au vme siècle. Leur descendance s’étant éteinte (1286), Édouard Ier jugea opportun de réclamer une suzeraineté à laquelle ses prédécesseurs avaient déjà prétendu à plusieurs reprises : prétention que l’humeur indépendante des Écossais rendait à peu près

  1. À la tête des insurgés était un fils de Simon de Montfort, le chef de la croisade des Albigeois. Devenu anglais sous le nom de comte de Leinster, il exerça pendant un moment en Angleterre une véritable dictature.